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Ceci n’est pas un spa

Nager vingt mètres sous terre dans une sphère aux accents byzantins : telle est l’expérience proposée par Deca architecture au sein de l’Euphoria Spa à Mystrás, dans le Péloponnèse. Une immersion mystique.

par Clara Baudry

 

Euphoria Spa, Mystrás, Péloponnèse, Grèce, 2018

«Ceci n’est pas une pipe ». Carlos Loperena, co-fondateur de l’agence grecque Deca architecture avec Alexandros Vaitsos en 2001, emprunte à Magritte pour souligner la singularité de l’Euphoria Spa, livré en 2018 près du célèbre site archéologique byzantin de Mystrás, à proximité de l’antique Sparte, dans le Péloponnèse. Le bâtiment dédié au bien-être s’étend sur 3000 m 2 au sein du complexe hôtelier Euphoria Retreat co-conçu avec l’agence Natalia Efraimoglou, dirigée par la sœur du maître d’ouvrage.

 

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S’il comprend tous les éléments attendus d’un complexe de ce genre (hammam, sauna, piscines extérieure et intérieure…), l’Euphoria Spa est différent de l’offre traditionnelle du secteur sea and sun. D’abord, « il dédie plus de mètres carrés au spa qu’il ne compte de chambres ». Les espaces dédiés au bien -être sont répartis sur quatre niveaux, creusés dans le relief. Au rez -de-chaussée et au premier étage, bains de vapeur, douches sensorielles, sauna finlandais sont répartis dans des espaces circulaires et des cavités ovales surnommées « les catacombes ». Au deuxième étage, des « cellules monastiques » sont réservées aux soins ; et enfin, au troisième étage, deux grands volumes sont dévolus aux conférences, à la méditation et au yoga. Ces plans composés d’une succession de cylindres sont directement issus de la demande du client : « Je ne veux pas voir d’angles, mais seulement des courbes ! » avait-il exigé.

 

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Pour desservir les différents étages, un magistral escalier circulaire se déploie sur environ vingt mètres autour d’un puits de lumière. «Pour pouvoir creuser ce volume vertical, il a fallu couler des pylônes en béton avant l’excavation pour créer des surfaces de soutènement au moment de retirer la terre », précisent les architectes, habitués des projets en creux (lire AA n°446). Autour des parois en béton blanc du puit de lumière se déploient les surfaces du noyau en béton gris contenant la volée d’escaliers, à son tour cerné par les murs noirs des couloirs qui mènent aux différents espaces de bien-être. Toutes ces surfaces ont été poncées et enduites de cire pour leur donner une qualité de surface veloutée, similaire à celle d’un terrazzo.

 

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Alors qu’il déambule dans les entrailles du bâtiment, le visiteur est invité à une véritable retraite sensorielle. «Notre organe sensitif le plus étendu est la peau. Et nous pouvons la manipuler grâce aux variations de températures : sauna, bains glacés… Cela nous rend conscients de notre enveloppe.»

 

 

L’Euphoria Spa n’est pas seulement un ouvrage qui s’enchâsse dans le relief grec. Partout, les architectes de Deca en ont appelé à l’histoire byzantine, et pas seulement dans la géométrie des plans : les couleurs des surfaces intérieures sont empruntées aux tons des représentations picturales de cette période. Ainsi, dans la piscine, les parois bleutées tranchent avec celles, mordorées, des surfaces alentours. «Pour le pavage extérieur du chemin périphérique et de l’ensemble du site, nous avons utilisé des pavés en forme d’éventail, une technique courante à l’époque byzantine », ajoutent les architectes.

 

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Point d’orgue du séjour ? La piscine sphérique, qui offre la sensation inédite de flotter au centre d’un globe. Un dispositif qui fait directement référence au Cénotaphe de Boullée… Et sans doute à une inspiration divine, car «Celui qui constitua le monde lui donna comme figure celle qui lui convenait et qui lui était apparentée. Aussi est-ce la figure d’une sphère dont le centre est équidistant de tous les points de la périphérie. » (Platon, Timée, 33b).

 

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