Antigone - Place de Zeus Montpellier Metropolitan Community headquarters. Arch. Pancho Ayguavives and Ricardo Bofill 1991. ©Fred Romero/Wikimedia Commons

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3 questions à : Maryse Faye, maire adjointe de Montpellier déléguée à l’urbanisme et au foncier

Le 9 février dernier se sont tenues à Montpellier les premières Assises du territoire "Inventons ensemble la ville d'après" en présence de Michaël Delafosse, Maire-Président de Montpellier Méditerranée Métropole, et de plus de 500 professionnels de l'immobilier. Maryse Faye, maire adjointe déléguée à l’urbanisme durable et la maîtrise foncière et conseillère métropolitaine, dresse pour AA un état des lieux.

Quelles sont les conclusions de ces premières Assises du territoire ?

Tout d’abord, avant de répondre à cette question, il est important de replacer la Métropole de Montpellier dans le contexte du XXIe siècle. La Métropole de Montpellier, c’est un poids de population de 500 000 habitants, dont 300 000 habitants sur la ville centre. Sa caractéristique démographique est sa croissance permanente de 8 000 personnes par an, dont la répartition n’est pas équilibrée sur les 31 communes. Faut-il pour autant subir ce phénomène ? Non, il n’y a pas place pour un fatalisme qui pourrait s’imposer à nous. Il faut s’inscrire dans une démarche volontariste d’aménagement urbain équilibré socialement, écologiquement et économiquement. C’est de notre responsabilité politique. Et c’est bien cette démarche que Michaël Delafosse, Maire-Président, a érigé en ambition lors de ces 1ères Assises. Il était important, pour tous les professionnels de l’acte de bâtir et d’aménager, que nous leur apportions les orientations financières et les engagements d’opérations publiques sur le mandat de la collectivité, comme il était important de définir l’objectif, délibérément réfléchi, de continuer d’accueillir la population. C’était particulièrement nécessaire pour ces professionnels compte tenu de l’inflation et des incertitudes économiques qui pèsent sur le marché immobilier et sur la problématique cruciale du logement.

Les promoteurs, les architectes, les bailleurs sociaux et les fédérations professionnelles ont été parties prenantes lors des trois ateliers préalables que nous avions organisés avant les Assises. Le cap est fixé, la rupture sur la méthode est comprise, les nouveaux paradigmes sont connus.

Les échanges ont été riches mais la transparence était de mise avec l’envie de faire la Ville du XXIe siècle ; une ville respirable, raisonnablement dense, inclusive, participative, sobre, évolutive, réversible, socialement accueillante. Un pari que nous ne pouvons réussir qu’en associant les partenaires qui acceptent ces nouvelles obligations. Bien sûr elles sont liées aux textes législatifs qui s’imposent mais aussi et surtout parce que Michaël Delafosse et moi-même portons dans notre ADN la nécessité d’offrir aux habitants de la Métropole le bien-être nécessaire à l’épanouissement de chacun, aujourd’hui et demain. Donc, pour répondre à votre question, nous sommes tous et toutes, politiques et professionnels sur la conception-réalisation de la « ville d’après ».

 

Parmi les ambitions précisées lors de cet événement figurait le rééquilibrage du territoire. En quoi consistera-il ?

Nous avons un besoin pressant de construire plus et mieux. Un rééquilibrage territorial s’impose. Nous avons fait le constat que 60% de la production en logement s’effectuait sur le « diffus » et 40% en ZAC, ce n’est plus acceptable car ce déséquilibre a des conséquences néfastes multiples : sur les finances publiques, sur les équipements et espaces publics, sur la richesse végétale, sur les mobilités, sur la mixité…

Nous avons cette responsabilité politique de rééquilibrage territorial urbain, et c’est cette responsabilité que je porte au sein de l’équipe de Michaël Delafosse avec passion et acharnement en tant qu’adjointe à l’urbanisme et en tant qu’architecte-urbaniste.  C’est pour cela que lors des premières Assises a été précisé le nouveau process de production que nous voulons mettre en place sur la Métropole. Trois stratégies opérationnelles ont été définies.

La première stratégie consiste à poursuivre le réinvestissement urbain mais différemment dans le cadre de « territoires de projet ». Ce process de développement interdira toute intervention isolée intempestive. La constructibilité sera étudiée ensemble, élus-services-promoteurs-architectes, pour un aménagement cohérent, comme en ZAC, mais sans procédure et donc plus rapidement opérationnel. L’information sera nécessairement organisée par les promoteurs auprès des riverains.

Ces territoires de projets nous permettront ainsi de réfléchir non pas simplement à produire plus mais à réfléchir aussi sur les besoins des « riverains déjà-là ». L’objectif politique est de créer les conditions des « quartiers apaisés » en assurant des espaces publics de qualité, priorisant les mobilités actives, valorisant la nature, organisant des pôles de centralité….

Pour concrétiser ces exigences, je demanderai à chaque promoteur de signer le pacte que nous sommes en train d’élaborer avec les professionnels. Nous aurons ainsi deux cadres d’élaboration des projets : Un document règlementaire, le PLUI, et un document de préconisations. Ceci permettra ainsi de répondre à la demande des promoteurs d’accélérer la délivrance des autorisations de construire.

La deuxième stratégie concerne l’accélération de la cession de droits à construire dans les ZAC ; et elle est actée. Bien sûr, les ZAC en cours sont revisitées à l’aune de nos nouveaux paradigmes, par anticipation, car certains ne seront opposables que lors de l’approbation du PLUI en 2024. Les ZAC plus récentes, de reconquêtes de friches militaires, ferroviaires, industrielles, s’orienteront sur la densification par la hauteur pour favoriser la renaturation des espaces, tout comme la future ZAC de requalification urbaine au cœur de Montpellier, baptisée dernièrement « Ricardo Bofill », d’après le nom du créateur du quartier Antigone.

Pour favoriser la mixité sociale dans les quartiers sensibles existants, une procédure a été instaurée pour une mise en concurrence double auprès des promoteurs d’un lot en ZAC adossé à un lot sur ces quartiers afin d’optimiser la production de logements abordables et libres sur ces territoires fragiles.

La troisième stratégie concerne la coopération territoriale à une échelle plus pertinente. Nos 31 communes ont leur part d’intervention mais ce périmètre est trop étroit et ne représente pas un bassin de vie et d’emploi cohérent. Michaël Delafosse a donc lancé, lors du MIPIM 2022, le pari de la création d’une aire de coopération le long de la voie ferrée historique allant de de Lunel à Frontignan, dont les deux gares sont à 15 minutes de celle de Montpellier. Cet axe ferroviaire représente un potentiel de déplacement TER du quotidien, notre « RER littoral ». Les deux maires ont adhéré à cette initiative de favoriser l’émergence de « quartier gare » sur leur intercommunalité, favorisant le duo « emploi logement » et répondant aux enjeux de mobilité verte : le tram, le bustram, le ter, les bus, avec un objectif social de gratuité pour tous qui favorise les déplacements vertueux pour la planète ; c’est là que se situe la clef du rééquilibrage.

 

La mairie s’est engagée à construire 8 000 logements d’ici 2024 et a donc réévalué les conditions d’accession à la propriété, notamment en développant un Organisme Foncier Solidaire. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Annoncer la création de 8 000 logements sur deux ans peut paraître ambitieux. Il faut répondre au besoin de logements des habitants, sinon les prix vont continuer à s’envoler, les marchands de sommeil vont continuer de sévir et les propriétaires non vertueux vont toujours profiter du système. La politique du logement est offensive. Aujourd’hui il est impératif, dans le cadre de la sobriété foncière, de redorer l’image du logement collectif.

Le rêve français d’une maison individuelle pour tous est à reconsidérer ; le ZAN (zéro artificialisation nette) nous attend en 2050. Profitons-en pour écrire notre discours de la hauteur et le faire accepter par tous. L’acceptabilité de la densification et de la hauteur ne passera que par le dialogue urbain.

Les Assises ont permis d’échanger aussi avec les professionnels sur l’obligation d’accéder à l’exigence architecturale, à l’innovation constructive dans les matériaux, à la rapidité d’exécution de modèle constructif hors site, à la sobriété énergétique, au recyclage de bâti déjà-là, à la réversibilité des édifices nouveaux, à la nature intégrée, à la créativité des architectes pour offrir à chaque logement des espaces à vivre « dehors/dedans » ….

Produire plus et mieux en permettant à chacun de suivre un parcours résidentiel en fonction de son pouvoir d’achat, de l’évolution de la famille… C’est une démarche durable.

Dans chaque ZAC il doit être édifié une opération d’habitat inclusif, une opération d’habitat participatif, du logement en accession, du logement locatif, du tertiaire et des locaux actifs.

Nous avons détaillé auprès des promoteurs les nouveaux pourcentages d’offres de logements par opération pour irradier l’ensemble du territoire : Par exemple, sur la ville-centre de la Métropole : 33% de logement social, 17% de logement abordable, 15% de logement accession intermédiaire et 35% de logement libre. Nous avons créé cette tranche de logement en accession intermédiaire pour permettre aux ménages de classe moyenne d’accéder à l’acquisition de leur appartement, ce qui est impossible à Montpellier aujourd’hui.

Pendant ces Assises, j’ai écouté les promoteurs qui participent à la production de logement social et nous avons décidé d’augmenter le prix de la VEFA à notre bailleur social, pour prendre en compte l’augmentation des coûts de la construction.

Pour parfaire l’offre sociale, nous avons mis en place un Office Foncier Solidaire à l’échelle métropolitaine qui fonctionnera avec d’autres organismes sociaux public et privé. Ce dernier s’adressera aux communes de la Métropole qui souhaitent produire plus de logements accessibles à ceux qui n’ont pas le pouvoir d’achat leur permettant de devenir propriétaire dans la promotion traditionnelle. Cette création était un engagement de campagne de Michaël Delafosse et je suis fière d’avoir participer à le concrétiser collectivement.

 

Vous avez pour ambition de développer de nouvelles méthodes d’attribution des lots pour le développement de Montpellier. Pouvez-vous en dire plus sur ces méthodes : en quoi simplifieront-elles l’accès à la commande publique ?

Une première rencontre, organisée par notre aménageur SERM/SA3M, a eu lieu dès le lendemain des Assises avec l’ensemble des promoteurs. La présentation des lots à commercialiser sur 2022 et 2023 a été faite et bien accueillie car c’est la première fois que les promoteurs ont appréhendé une visibilité opérationnelle de production.

La première consultation « new look » sur les lots disponibles en 2022 a été lancée récemment. Les promoteurs ont la possibilité de se positionner sur un ou plusieurs lots en fonction de leur savoir-faire, de leur charge de chantier, des co-productions possibles…

Une deuxième phase interviendra après sélection. En fonction des enjeux, plusieurs promoteurs pourront être retenus et devront déposer un dossier avec les équipes d’architectes locaux ou extérieurs pour le choix final qui pourra aboutir à un concours des équipes d’architectes.

C’est ainsi que Montpellier et sa Métropole écrira l’histoire de la « Ville d’après » désirable, accueillante, pour les générations à venir.

 

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  • Wildnfree, the , wrote:

    Bel article agréable à lire.
    Habité de bon sens