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Habiter demain

La nouvelle édition de la biennale « Tous pour l'architecture ! », organisée par le Réseau des Maisons de l'Architecture ouvre ses portes le 14 octobre prochain à Lorient, jusqu'au 23 octobre. Réunis sous une même thématique, l'habitat, de nombreux événements sont prévus dans toute la ville : expositions, balades urbaines, projections, discussions.

À cette occasion, Anne-Sophie Kehr, architecte et présidente du Réseau des Maisons de l’Architecture, souligne pour AA l'importance de trouver, pour les architectes et les acteurs de la ville, de nouvelles façons d'habiter le monde.

Dans « Ré-enchanter le monde » [1], manifeste sur l’avenir du monde habité, les auteurs affirment que l’architecture ne peut plus être réduite à sa définition traditionnelle : une œuvre de commande. Elle se doit d’affronter les réalités d’épuisement des ressources et le développement inégal, mettre en cause les programmes, les modes de production ou de décision hérités de l’ordre industriel moderne. Le changement de paradigme ne peut être que collectif. Il nous faut ré-enchanter le monde.

Les habitants sensibilisés et accompagnés, deviennent les garants d’une architecture collective, qui ne sera plus le produit de commandes, mais le résultat de réflexions affinées et contextuelles, portant de manière juste les réponses nécessaires à la cicatrisation de nos villes et de nos territoires.

Comment mieux habiter demain ?

… comment demeurer, et comment l’architecture peut-elle nous aider à mieux habiter demain ?

Parce que prendre possession de l’espace est le premier geste des vivants, nous devons nous ré-approprier la notion d’habiter, re-panser et requalifier nos lieux de vies par la mise en œuvre des caractères locaux tout en délaissant l’universel et la standardisation consumériste. Habiter c’est avoir son domicile quelque part, y résider de manière relativement permanente, y vivre, habere, s’y tenir. L’habitation constitue le trait fondamental de l’existence humaine, ce qui le distingue de la manière d’être des autres vivants.

Habiter, selon Heidegger, signifie « la façon dont les hommes accomplissent sur terre et sous la voûte du ciel leur migration de la naissance vers la mort. » Comment nous tenir pour ressentir de manière anthropocosmique notre relation à l’espace ? Quelles architectures répondent à ces nécessités ? À quelles conditions un logement laisse-t-il les êtres humains véritablement habiter ?

La spécificité de l’habitation à l’égard du logement est sa capacité à nous ouvrir au monde, à nous inviter à être-au-monde ; à nous sentir « chez soi ». Les lieux que nous habitons doivent donc nous installer dans une relation de proximité avec le monde en créant des espaces hospitaliers. Il faut prendre toute la mesure de l’importance de cet ancrage. Hanna Arendt, insiste sur la notion d’accoutumance et de lente appropriation et nous rappelle que « habiter » et « habitude » possèdent la même racine. Ils engagent notre manière d’être au monde. Habiter implique d’être, de s’abandonner, de se laisser aller pour réduire peu à peu la distance entre nous-mêmes et notre milieu. « Ce n’est qu’en l’habitant que l’on fait véritablement d’une maison une maison. »

Pour Henri Lefebvre, les êtres humains veulent un espace souple, appropriable, aussi bien à l’échelle de la vie privée qu’à celle de la vie publique, de l’agglomération et du paysage. Une telle appropriation fait partie de l’espace social comme du temps social. L’approche fonctionnelle et moderniste de l’habiter : répondre aux quatre fonctions : vivre, travailler, se récréer, circuler ne suffisent pas. Le rapport aux éléments terre, ciel est indispensable à ce sentiment d’ancrage. L’architecture, plus que jamais, doit être en mesure d’accompagner l’humanité dans le changement existentiel qu’elle doit accomplir, pour pouvoir habiter demain. Nous devons dépasser les standards, il nous faut créer des situations de plaisir ; et apprivoiser ensemble une nouvelle sagesse de l’habiter.

Comment les architectes peuvent-ils intégrer à leur conception cette nécessaire aptitude à se sentir au monde ? En ménageant cette indispensable relation anthropocosmique aux choses et par une intentionnalité forte d’y répondre dès la conception. Notre demeure doit être ancrée et en même temps ouverte au cosmos, nous permettre de rêver. Accueillie par la Maison de l’architecture et des espaces de Bretagne, cette 6e biennale portée par le Réseau des Maisons de l’Architecture se veut un moment de rencontres autour des questions de l’habiter.

Tout un programme social qui porte l’architecture à sa plus haute valeur : l’abri de nos vies. Le sens de la communauté vient de l’habitat.
Tous pour l’architecture !

Anne-Sophie Kehr

Lorient. remodelage des barres du quai de Rohan, Roland Castro & Sophie Denissof, 2003

 

Immeuble d’habitation Les échasses Henri Conan, 1962, Lorient © Cyrus Cornut – RMA

[1] Ré-enchanter le monde – L’architecture et la ville face aux grandes transitions, sous la direction de M.H. Contal, coll. Manifesto, 2014

Le site web de L'Architecture d'Aujourd'hui accueille les propos de tous ceux qui souhaitent s'exprimer sur l'actualité architecturale. Les tribunes publiées n'engagent que leurs auteurs.

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