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Livres : Pesmes, ou l’art de construire engagé

Depuis sa création en 2015, le séminaire organisé par Bernard Quirot à Pesmes (Haute-Saône, région Bourgogne-Franche-Comté), où il a établi son agence, invite étudiants et jeunes architectes à dialoguer et interroger à leur pratique en compagnie d'architectes, critiques et historiens. En juillet 2022, un livre paru chez Building Books est venu compiler ces années d'études du territoire.

Depuis 2015, le séminaire organisé par Bernard Quirot à Pesmes est ouvert aux étudiants de Master et jeunes architectes : en compagnie d’architectes, critiques, historiens, les jeunes praticiens sont invités à « relier l’architecture à un engagement territorial » en appréhendant la question tant d’un point de vue spatial, qu’économique et culturel.

Paru en juillet 2022, l’ouvrage est l’occasion d’explorer les réflexions abordées lors de ces sessions d’études, à travers des entretiens menés par Émeline Curien, enseignante-chercheuse et docteure en architecture avec plusieurs des intervenants du séminaire. Le livre est illustré par un reportage photographie du village de Pesmes, signé Luc Boegly.

Extrait de l'ouvrage : « Articuler culture architecturale et pratiques territoriales », conversation entre Bernard Quirot, Émilien Robin, Simon Teyssou, menée par Émeline Curien.

Émeline Curien : Bernard Quirot, vous dites avoir choisi de « travailler principalement dans les territoires ruraux, là où la géographie (histoire, topographie, savoir-faire, vernaculaire…) nous inspire et nous permet de renouer avec la dimension tectonique de l’art de construire.» Pour développer tout le potentiel de cette approche, comme Émilien Robin, vous réfléchissez à faire en sorte que l’architecte devienne constructeur, ou s’associe de manière étroite avec des structures artisanales. Cette position au plus proche du chantier pourrait-elle être une autre forme de résistance au nivellement par le bas de la qualité constructive, dans des territoires où les artisans qualifiés ont presque totalement disparu ?

Bernard Quirot : Je suis de plus en plus sensible au discours de Fernand Pouillon et je comprends de mieux en mieux ce qu’il a voulu faire, quand il dit que l’architecte doit être sur les chantiers, qu’il doit lui-même construire. Finalement, l’architecte doit être entrepreneur, et c’est un but que j’ai aujourd’hui, à la fois parce que je trouve que c’est très agréable, mais aussi parce que je vois cela comme un acte politique : essayer de sauvegarder des savoir-faire, qui même dans des territoires comme la Bourgogne-Franche-Comté, disparaissent petit à petit. C’est de plus en plus difficile pour nous de trouver des artisans qui savent encore faire un enduit, monter un mur en pierre…

J’ai échoué il y a quelques années à monter une entreprise générale, en fédérant autour de nous des entreprises locales. J’ai aujourd’hui l’opportunité de monter un atelier de menuiserie et de prototype, en collaboration avec un jeune designer et ébéniste, Paul Michelon. Cette structure, dont le nom sera l’Atelier pesmois, pourrait être une première étape en ce sens. Beaucoup de jeunes aujourd’hui veulent se réengager dans ces métiers artisanaux et réapprendre à travailler correctement, et je suis plutôt optimiste sur ce plan-là. Et si l’on doit rénover une maison dans un contexte où l’on a pu reconstruire un réseau d’artisans fidèles et passionnés, le dessin ne sert plus à grand-chose : la parole suffit et on rejoint la question de l’oralité. L’idée d’arriver à construire presque sans dessiner m’intéresse.

Émilien Robin : L’architecte effectivement peut se donner les capacités de construire par lui-même, ou en partenariat étroit avec les artisans. Aujourd’hui, ma modeste activité, c’est de fabriquer des stores, des volets intérieurs et extérieurs, des éléments menuisés sur mesure, tous ces éléments mobiles, ces quincailleries qui peuvent être dessinés finement et fabriqués à l’unité, ou en petites séries, avec une forte valeur ajoutée… J’y vois un lien avec les tentatives de la fin du XIXe siècle — le mouvement Arts and crafts, les écrits de William Morris… —, de redonner une valeur à ce travail, de réinstaurer des savoir-faire et des temps longs. Si on arrive à relier cette pratique à une bonne rémunération des artisans, cela peut transformer quelque chose dans la société. »

© Building Books / Avenir radieux

 

© Building Books / Avenir radieux

 

© Building Books / Avenir radieux

À l’occasion de la sortie de l’ouvrage, le Pavillon de l’Arsenal invite les protagonistes de l’ouvrage autour d’une, table-ronde le jeudi 6 octobre 2022, à 19 h.

Table-ronde en compagnie de Émeline Curien, Bernard Quirot et Émilien Robin, animée par Roberta Morelli, enseignante-chercheuse à l’Ensa Paris-Belleville.
Pavillon de l’Arsenal
21, boulevard Morland, 75004 Paris
Jeudi 6 octobre, 19 h
Entrée libre


Pesmes. Art de construire et engagement territorial
Émeline Curien (dir.) et Luc Boegly
23×27 cm, 168 pages, 32 €

Textes : 10 entretiens menés par Émeline Curien avec Jean-Patrick Fortin, Françoise Fromonot, Giacomo Guidotti, Pierre Hebbelinck, José Ignacio Linazasoro, Jacques Lucan, Stefano Moor, Gilles Perraudin, Bernard Quirot, Vincent Rapin, Émilien Robin, Maria Saiz et Simon Teyssou
Photographies : Luc Boegly
Design : Building Paris, juillet 2022
Coédité avec l’association Avenir Radieux dans le cadre du séminaire d’architecture à Pesmes

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