• Typologie la plus créative | Lola Domenech et Lussi | ©Adrià Goula

  • Prix trans-europarchi | Tuñón Arquitectos | ©Amores Pictures

  • Meilleur catalyseur urbain | R. Garcia & P. T. Garcia-Canto | ©Imagen Subliminal

  • Plus belle métamorphose | Chartier Dalix | ©Camille Gharbi

  • Lieux le mieux productif | Gens | ©Ludmilla Cerveny

Actualités

Prix AMO 2020 : la preuve par l’exemple

Récompensés lors d'une cérémonie le 13 octobre dernier à Bordeaux, les lauréats du Prix AMO 2020 ainsi que les podiums des six différentes catégories sont présentés dans un tiré-à-part édité par Archipress Édition et L'Architecture d'Aujourd'hui. La version numérique de ce document est consultable à ce lien.

Retrouvez le texte d'introduction, signé du journaliste Jean-Philippe Hugron, publié ci-dessous dans son intégralité.

Un prix d’architecture ? Le message retenu n’est souvent que l’image figée de projets remarquables, laquelle ne témoigne ni de la réalité, ni de l’histoire, ni de la construction. Et pour cause, la beauté photogénique aspire l’attention pour mieux la détourner. Il y a pourtant, en amont de ces célébrations, des choix stratégiques discutés par des jurys légitimes. Tel est le cas des récompenses distribuées par AMO, association culturelle et professionnelle, qui depuis 1983 réunit architectes et maîtres d’ouvrage.

Il y a deux ans, lors de la précédente session, il s’agissait de promouvoir de nouvelles pratiques dans le montage, la conception, et la gestion de projets immobiliers. En outre, il était question de désamorcer les conflits de compétences au profit de nouvelles manières de gérer, de mutualiser et de faire la ville. Cette ambition appelait à renouveler l’exercice du prix d’architecture et, par conséquent, à abandonner les traditionnelles catégories programmatiques pour leur préférer d’autres plus habilement définies : la plus belle métamorphose, la mise en œuvre la plus audacieuse, le meilleur catalyseur urbain, la typologie la plus créative, le lieu le mieux productif.

Deux ans plus tard, les mêmes intitulés permettent de défendre clairement une ambition que Martin Duplantier, homme de l’art et président de l’association, résume simplement : « la qualité ».

Mais, quelle est-elle véritablement ? Le précédent palmarès donnait un tour « social » à la réponse, plus encore, une illustration parfaite au slogan un tantinet usé et abusé du « vivre ensemble ». « La qualité n’est pas une question disciplinaire, prévient l’architecte, ni un regard de professionnels sur la production. Il s’agit, à travers ce thème, d’approcher l’architecture « pour tous » et pas seulement pour ceux qui la conçoivent et pour ceux qui l’habitent. Nous n’oublions pas ceux qui la portent, ceux qui la fabriquent et ceux qui la côtoient. Il ne faut jamais omettre les externalités positives d’une construction », poursuit-il. 

Élargir l’horizon de l’appréciation est bel et bien l’intention des prix AMO. En outre, l’ouverture des frontières et le regard tourné, cette année, vers l’Espagne permet, selon Martin Duplantier, de prendre conscience avec plus d’acuité encore d’une véritable « révolution constructive ». « De nombreux projets publics l’ont, en Europe, anticipée mais il s’agit dorénavant de pousser tous les curseurs autrement plus loin et les acteurs privés sont, dans ce cas, situés en première ligne. Aussi, il est plus que nécessaire d’aborder les thèmes du zéro carbone et des matériaux bio-sourcés loin des tableaux Excel. Cette hygiène réclame un véritable changement de paradigme dans la manière de faire et de bâtir », explique-t-il.

Reste, au-delà de belles intentions, à comprendre les freins contemporains. Si les exemples existent en France, l’Espagne semble révéler bien plus d’aptitude à verser dans de nouvelles logiques constructives. Malgré une grave crise de l’immobilier débutée en 2008, le pays a réussi à conserver un haut niveau d’exigence que lui autorise un rapport quasi artisanal aux matériaux. Le même constat est-il seulement possible en France ? Difficile. Combien de voix aujourd’hui s’élèvent pour dénoncer la fabrique de l’architecture comme un assemblage benoît de produits industriels ? Beaucoup. Ceci étant dit, crié et hurlé, existe-t-il réellement une alternative ? Les assurances suivraient-elles seulement ? Et le CSTB serait-il enfin autorisé à prendre des risques mesurés ? Certaines voix, particulièrement audibles – Philippe Madec –  assure qu’il faudrait faire plus que de demander l’autorisation de faire différemment. Certes, mais dans quel cadre juridique ? « L’architecture est un champ politique », admet Martin Duplantier. L’assertion convoque les figures de la représentation nationale et locale : élus, députés ou maire, ont une responsabilité. « La construction n’est d’ailleurs possible sans la triangulation d’un maître d’œuvre, d’un maître d’ouvrage et d’un édile, au point qu’il faudrait renommer notre association », s’amuse-t-il. 

Le palmarès 2021 démontre finalement que tout est possible et alerte même sur de nombreuses thématiques contemporaines dont l’avènement interroge toujours davantage quelques esprits soucieux de l’avenir : la revitalisation des villages et des villes moyennes, la transformation des friches commerciales ou encore l’intégration d’activités productives au sein du paysage urbain. In fine, les mécanismes favorisant la qualité se devinent d’un projet à l’autre et chacun comprend désormais les limites de la dite « innovation » abusivement recherchée ses dernières années sans qu’elle ne porte ses fruits. Ce sont les appels à manifestation d’intérêt et tous les processus gourmands de compétences qui ne font, en fin de compte, qu’épuiser l’intelligence. Bien au-delà, le combat pour la qualité se dessine et ces prix sont dès lors autant de précieuses preuves par l’exemple.

 

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