Architecture

L’effet « waouh »

Légende de l'auteur : Une ruine une vraie. Belle parce que vraie. Source : 3D TUTORIAL: MAKING OF POST APOCALYPTIC CITY RUINS stayinwonderland.com
Légende de l’auteur : Une ruine une vraie. Belle parce que vraie.
Source : Article « 3D Tutorial, Making Of Post Apocalyptic City Ruins », stayinwonderland.com

Ça fait des jours que la chaleur bat tout les records dans le sud, que l’herbe est cramée, les grillons grillés ; même les cigales en ont marre. Chaque micro souffle de vent fait redouter le grand incendie alors le vert c’est pour le nord, ceux qui réinventent leur capitale, leur fleuve, leur banlieue dorénavant dénommée métropole (ça fait mieux) à grande pelletée de confiture verte. On pourrait penser que le mot « ré-inventer » engage à s’interroger sur la ville, changer de modèle hérité du XIXe siècle avec rez-de-chaussée pour les commerces, le reste pour des bureaux et la sacro-sainte trame ou des logements chartés par les bâilleurs à l’identique depuis les années 1960. Ben non, rien de tout ça, il faut juste… Comment disent-ils déjà ? Il faut « l’effet Waouh ».

L’effet waouh ? C’est ce qui fait que ça claque, c’est le bling-bling en architecture. Avant c’était des formes débiles (quoiqu’en la matière ça existe encore un peu, la fondation Luma d’Arles bat tout les records de bêtises architecturales). Alors on fait des fermes de spirulines sur les toits, plante devenue tout à coup essentielle mais dont personne ne sait ni à quoi elle sert, ni la tronche qu’elle a. On colle des plantes partout, tant et si bien que les parisiens et banlieusards qui n’avaient déjà pas de lumière vivront maintenant la tête dans des salades géantes, enfin si elles poussent. Même les plus grands s’y mettent, ils plantent des pins sur le toit d’un immeuble bleu, à Marseille forcément, bleu comme la mer, normal, et baptisé la calanque. Où vont-ils chercher tout ça ? Il sait ce que ça fait les racines d’un pin le monsieur ?

Avec vue sur… les collines et les pinèdes.

Un arbre est bien en terre, c’est là qu’il vit.

Il y a un truc étonnant dans cette fascination pour la verdure en façade. Il n’est pas un film post-apocalyptique sans New-York ou Tokyo bouffées par les plantes sauvages. Toutes les images de Tchernobyl renvoient à cet imaginaire-là. C’est la fascination de la ruine et de la vie qui renaît malgré tout. Ici on préfère créer des ruines tout de suite, c’est plus sûr. Il s’agirait presque d’un aveu du manque de courage de faire. Une volonté manifeste de ne pas se risquer à des solutions réellement innovantes et audacieuses pour que les gens vivent mieux ensemble, pour que la ville se projette dans le futur. Bien au contraire, tout est crispation constipée sur le végétal en l’air pour que rien, absolument rien ne bouge.

Wright disait que lorsqu’une façade est ratée, on la camoufle derrière de la végétation. Le végétal peut changer le rapport social, c’est vrai, les exemples de trottoirs sur lesquels les habitants posent des pots et se partagent leurs histoires sont parfois des réussites autant que des adouciceurs urbains mais transplanter ce rapport au sol en façade est un non-sens. C’est une mode. Elle passera. C’est juste du marketing architectural pour dissimuler une gigantesque vacuité de la pensée, il n’en restera rien, elle se fanera aussi vite qu’une fleur coupée.

Corbu peut-être un peu, James Wines ensuite, entre autres, voulaient déjà créer des immeubles-villas. De vrais immeubles-villas où les terrasses étaient des jardins, pas les façades, ça ne sert à personne les façades, juste aux rats et aux pigeons. Mais les terrasses créent du foncier inutile et donc trop cher. Pourtant, tous s’y sont mis, les plantes ça peut pas faire de mal diriez-vous. Un grand appartement et des immeubles intelligents non plus.

Le jour où l’on prouvera que l’inutile donne une valeur inestimable aux bâtiments parce que ça ouvre sur l’imaginaire et que l’imaginaire n’a pas de prix, alors les façades seront ce qu’elles doivent être, protectrices de nos rêves plutôt que supports de notre mélancolie.

« Un autre monde est possible, mais il est dans celui-ci », Paul Eluard.

Matthieu Poitevin, août 2017
[iconographie choisie par l’auteur]

Si vous souhaitez, vous aussi, vous exprimer, envoyez-nous vos essais et tribunes à re*******@la**********************.fr.

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Your reactions (5)

  • jlo, the , wrote:

    20/20

  • ATPV Concept, the , wrote:

    OUI!…
    Les réalisations « modernes » de nos habitats urbains doivent servir de « refuge » et de « vitrine » à la biodiversité…
    Il faut amplifier la végétalisation de nos façades, nos balcons, nos toitures et remettre à sa place la plante dans tous les programmes d’aménagements…
    Les luttes contre les réchauffements, la pollution, le stress, l’esthétisme de nos quartiers et nos villes passent par la plante dans toute sa diversité variétale et ses palettes de formes et couleurs…
    Oui, la ville de demain, est et sera un refuge pour les plantes et les insectes « utiles »…
    Les collections végétales amènent des choix multiples et fleurir nos villes c’est aussi accueillir et intégrer les habitants aux évolutions de leur « quartiers »
    Le mieux vivre de demain, dépend des décisions et des réalisations d’aujourd’hui!…
    Je pourrai faire un livre…
    Voir ATPV Concept sur moteurs de recherches…

  • Valentin, the , wrote:

    Je dirais comme Reyner Banham dans son livre « Los-Angeles » que la feuille de salade est-ce qui donne au hamburger sa singularité, sinon il n’est pas un hamburger ! L’inutile a donc parfois une grande utilité …

    Pour aller plus loin sur cet auteur : https://critiquedart.revues.org/572

  • JF Daures, the , wrote:

    Mathieu Poitevin ferait mieux de lire plutôt que d’écrire !!! La végétalisation des bâtiments est bénéfique en tout point de vue : outre ses avantages indéniables en milieu urbain, elle a un impact positif sur la durabilité du bâtiment, améliore le bilan technique des constructions, atténue la réverbération acoustique et engendre une optimisation non négligeable de la gestion des eaux pluviales.
    Illustré d’exemples, de réalisations concrètes et d’entretiens exclusifs avec les professionnels, ce livre explique en détails le fonctionnement du végétal et ses caractéristiques techniques lorsqu’on l’adapte ou le couple à l’architecture. dans Architecture végétale aux éditions Eyrolles par Jean François Daures architecte http://www.eyrolles.com/BTP/Livre/architecture-vegetale-9782212126747

  • lucylam, the , wrote:

    Quelle ignorance ! Quel conservatisme ! Vous vous attaquez à la mauvaise cible.
    Il est juste de critiquer l’hypocrisie de cette hégémonie du vert, néanmoins il faudrait – pour avoir un débat intelligent – se cultiver sur les bienfaits et l’actuelle nécessité de l’intégration du vivant.
    + Et pourquoi pas des rats et des pigeons ? Ils ne seront pas les seules espèces qui en profitent si c’est bien fait.