Les constructions du « système ville » © Syvil et Léa Neuville
Les constructions du « système ville » © Syvil et Léa Neuville

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SYVIL, architectes du « système ville »

© Gaston Bergeret
© Gaston Bergeret

Lauréat des AJAP 2018, les architectes Damien Antoni et Achille Bourdon, tous deux diplômés de l’ENSA Belleville en 2010 et fondateurs de l’agence SYVIL (pour « système » et « ville ») défendent une architecture construite en intelligence avec les logiques productives de la ville, pour l’intérêt public.

L’Architecture d’Aujourd’hui : Comment définiriez-vous ce « système ville » et quelles y sont vos interventions ?

Achille Bourdon : Ce qui nous intéresse c’est la qualité matérielle des réseaux que l’organisme urbain produit et consomme. C’est cette problématique, traduite en enjeux architecturaux et urbains, qui définit notre sujet. Nous intervenons donc sur des espaces qui furent longtemps les oubliés de l’architecture et sont aujourd’hui, par l’étalement urbain, réinvestis dans la ville. Il s’agit pour nous de pénétrer la logique de ces organismes, en cassant la typologie du silo qui préexiste dans ces domaines abandonnés aux ingénieurs.

Damien Antoni : Le système ville, c’est l’ensemble des filières qui organisent le fonctionnement matériel de la ville. C’est-à-dire les déchets, l’approvisionnement des marchandises, l’eau, l’énergie… Pour nous c’est important de se pencher sur les manifestations construites de ce système – les stations électriques, les bâtiments logistiques – et de les élever au rang d’architecture. Plus encore, il y a un véritable enjeu d’intégration à la ville et à la politique urbaine.

 

AA : Comment défendez-vous votre place dans le marché de la construction ?

AB : Nous essayons d’intervenir auprès des acteurs industriels qui n’ont pas nécessairement les méthodes et les outils préfabriqués et identifiés. À travers ce travail avec le privé, il est possible de créer une forme de pédagogie auprès des acteurs publics : nous tentons de rendre des objets trop simples plus pertinents pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres.

DA : Notre position est en effet de mettre ces objets au cœur d’un débat public plus large. Si aujourd’hui beaucoup d’argent est mis dans la culture, la production est aussi une culture, c’est une culture commune. Nous travaillons avec une boulangerie qui fait 400 000 pains par jour. Ce n’est certes pas de l’agriculture urbaine, mais de la sécurité alimentaire, et ça concerne tout le monde. Au cœur du domaine privé pour lequel nous travaillons, nous défendons l’intérêt public.

 

AA : Quels sont pour vous les enjeux actuels de la profession ?

AB : Encourager les architectes à se ressaisir des questions de faisabilité, de programmation, comme de véritables terrains d’action pour le projet, pour l’architecture. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes assez à l’aise dans les appels à projet : on initie les réflexions, on se positionne en tant que conseillers, avec une vraie stratégie architecturale dans la définition des programmes.

DA : Cette démarche peut aussi être une réponse à la loi Elan, dans un monde qui a privatisé l’architecture. Les appels à projet nous permettent justement d’investir dans le champ du privé des logiques d’intérêt général.

 

Projet « P4 », perspective © Syvil
© Syvil

Projet «P4», messagerie logistique mutualisée à zéro émission de particules, Paris, 2017

© Syvil

 

Axonométrie du projet «P4», déployé sous le boulevard périphérique

© Syvil
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Projet «P4», diagramme fonctionnel des flux de circulation: un seul poids lourd roulant au gaz naturel décharge en une fois l’équivalent de quatorze petits véhicules propres qui livrent le client final.


Propos recueillis par Anastasia de Villepin

Cet article est extrait du numéro 428 d’AA, « Commandes privées, vocations publiques », toujours disponible sur notre boutique en ligne.

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