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Atelier d’Architecture Itinérant

Pour s’affranchir de la dichotomie qui bien trop souvent oppose ceux qui vivent l’architecture et ceux qui la pensent, quatre étudiantes de l’école d’architecture de Toulouse, Alice Lhoste, Maude Antoine, Fanny Vidal et Marion Mittler, ont décidé de se lancer dans un projet alternatif. Après avoir combiné leurs différentes compétences autour d’un projet commun de réfection d’un cinéma en ruine dans le bidonville de Kliptown en Afrique du Sud en 2014, elles ont choisi de parcourir les routes de campagne entre Toulouse et Berlin avec l’aide de Daniel Estevez, enseignant à l’Ensa Toulouse, et Joanne Pouzenc, architecte établie à Berlin. Une aventure en caravane prévue pour mai 2015, qui au travers de repas festifs, d’expositions et de projections, conduira à des discussions architecturales avec les habitants de villages ruraux en Europe.

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Comment êtes-vous passé d’un projet en Afrique du Sud – la réhabilitation d’un vieux cinéma, Le Sans Soucis – à un projet itinérant à travers l’Europe ? Ces deux projets sont issus d’une même volonté, celle de tirer des enseignements des structures existantes au travers de l’analyse d’un territoire, d’un espace et des usagers qui le pratiquent. Aussi dans chacun des projets, nous privilégions le déplacement sur le site afin d’en saisir les enjeux. Si l’on se réfère au projet en Afrique du Sud, le travail de préparation et d’inventaire des usages, des traces de l’ancien cinéma, de la végétation, a été essentiel dans notre approche du lieu. Une fois sur place, l’ensemble des 12 étudiants et professeurs de l’école ont travaillé en synergie avec les habitants. Nous nous sommes mutuellement transmis savoirs et savoir-faire. C’est un processus que nous souhaitons renouveler pour le projet d’Atelier d’Architecture Itinérant de Toulouse à Berlin. Nous sommes résolument mobiles et indéterminées quant à l’évolution que peuvent prendre les différentes étapes. Cela dépendra principalement des personnes rencontrées, de l’analyse du site et de l’interprétation que l’on en fera. Dans ces deux projets, il s’agit de la même approche de l’architecture, pour et par les usagers. L’architecture n’a pas attendu le métier d’architecte pour exister.

Ce genre de projets alternatifs est « à la mode » dans les écoles d’architecture. En quoi le vôtre est-il différent?
Notre projet ne propose pas de se concentrer autour d’un camion ou autre « objet mobile design ». Le véhicule est avant tout un moyen d’aller à la rencontre des habitants et du territoire. De même son aspect permet d’abord son identification dans l’espace. Le projet est surtout articulé autour de rencontres, il s’agit avant tout de mettre la richesse des non-architectes au premier plan de la conception architecturale. Nous n’avons pas la prétention de transmettre une culture architecturale. Nous souhaitons révéler l’architecture du quotidien et donner à voir le potentiel d’une réflexion partagée entre usagers et professionnels.
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Quelle communication mettez-vous en place dans les villes et villages traversés pour prévenir les habitants de votre passage ?
Les gens ne vont pas nous attendre et il n’est pas dit qu’ils aient envie de participer au projet. Notre première force est d’être associées aux municipalités afin d’avoir un correspondant sur place qui prévienne de notre venue. Notre seconde force est de rester au moins quatre jours sur un site afin d’avoir le temps d’impliquer les habitants au travers de différentes actions : entretiens, visite du village commentée par ses anciens, ateliers avec des scolaires… Par exemple, la transformation de la place du village de Commenailles dans le Jura servira de base d’échanges avec les habitants avant de les impliquer dans le projet. Ceci pour faciliter leur appropriation du nouveau lieu. Nous comptons aussi sur des moments de convivialité comme un repas, la projection d’un film et le bookcrossing (l’échange de livre) pour inviter les gens à se réunir. Nous aimerions également produire une architecture éphémère ou durable basée sur des matériaux inutilisés et fournis par les habitants, ce qui offre l’occasion d’aborder le thème du réemploi.

Quelle méthode avez-vous privilégiée pour rendre compte de ce voyage, une fois de retour à Toulouse ?
L’écrit est au centre de notre démarche avec un journal de bord permettant la restitution brute de la réalité du terrain. La vidéo reste néanmoins notre médium de prédilection mais pour des contraintes de délais, nous sommes en train d’établir un protocole de prises d’images, sans doute des photographies pour ne pas être débordées par l’iconographie récoltée. Par ailleurs, le travail de relevés (plans et élévations) est important, car nous pensons que c’est à partir du moment où les lieux sont dessinés qu’ils deviennent architecture. Ce relevé par le dessin permet bien souvent de rendre compte de données sensibles comme les usages et les temporalités, essentiels dans l’appréhension d’un espace public. Enfin la cartographie est un outil que l’on utilise déjà car il nous permet de communiquer dès à présent sur notre parcours et son évolution. Au terme de ce voyage, il sera intéressant de comparer les parcours prévus et celui réellement réalisé.

Pour en savoir plus, le site internet du projet.

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Entretien réalisé par Lola Petit

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