Architecture

Sir Nicholas Grimshaw (1939-2025)

Le 14 septembre 2025 disparaissait l’architecte britannique Sir Nicholas Grimshaw, fondateur de Nicholas Grimshaw & Partners en 1980 – qui comptent aujourd’hui plus de 650 employé·es répartis dans quatre continents. AA rend ici hommage à cet architecte dont la production architecturale et théorique a alimenté les pages de notre revue.


Dessinateur high tech s’il en est, homme de l’art qui fit accepter – avec les honneurs des institutions – rivets apparents, parapets de poutres alvéolaires, danses de tirants, Nicholas Grimshaw ne s’est pourtant pas contenté de bénir le mariage subtil de l’esthétique et de la technique. Il avait compris, comme ses compatriotes, qu’il ne s’agissait pas uniquement de troquer le stuc contre le métal mais de bâtir avec une conscience aiguë des enjeux scientifiques et climatiques déjà à l’horizon. La rédaction s’est plongée avec plaisir dans les archives de L’Architecture d’Aujourd’hui, pour redécouvrir ses réalisations à travers le regard de ses contemporains.

© Anna Jastrzebska – Shutterstock

Sir Nicholas Grimshaw ; à droite, détail d’un biome, Eden Project, Cornouailles, Royaume-Uni, 2001

Dans les années 1960, le jeune Nicholas Grimshaw, lauréat d’une bourse, poursuit ses études à l’Architectural Association School of Architecture de Londres, où il reçoit par la suite d’autres financements pour des voyages d’études qui marqueront durablement sa sensibilité : en Suède en 1963, aux États-Unis en 1964. Diplômé en 1965, il s’associe à Terence Farrell et devient membre du Royal Institute of British Architects (RIBA) en 1967. En 1980, il fonde Nicholas Grimshaw & Partners, donnant corps à une approche où technique et esthétique dialoguent sans heurt.

En 1989, le RIBA récompense les imprimeries du Financial Times qu’il livre dans l’est de Londres et c’est ce même projet qui est publié dans un dossier réalisé par Armelle Lavalou et Jacques Ferrier, « Le goût de l’ingénierie », publié dans AA en février 1990. Parmi d’autres réalisations de Calatrava, Foster, Arup, Rice, les imprimeries de Grimshaw témoignent de l’intérêt persistant de l’Hexagone pour ces « ingénieurs artisans » qui s’ingénient à « utiliser la technique comme expression plastique d’une certaine contemporanéité » [1]. « Bloqués dans les bouchons aux heures de pointe, [les Londoniens] auront maintenant la consolation de pouvoir admirer un bâtiment industriel dont la qualité architecturale est nettement au-dessus de la moyenne pour ce type de programme », soulignent les auteur·rices qui défendent l’« élégant bardage gris anthracite, en aluminium » et n’omettent rien du détail des boulons inox, des tôles à micro-ondulations, et de la façade vitrée « partie la plus spectaculaire du projet ».

Près de dix ans plus tard, l’architecte britannique poursuit sa trajectoire prolifique entre ingénierie et architecture et trouve un écho fidèle à ses projets dans les pages de AA. En 2001, sous la plume d’Ariane Wilson, l’Eden Project, un « jardin planétaire » livré dans les Cornouailles, est présenté non seulement comme un « fabuleux hymne à la prouesse technique » [2] mais également comme « fruit d’une même mobilisation enthousiaste pour une technologie mise au service d’un développement durable ». L’expression n’était sans doute pas aussi galvaudée qu’elle peut l’être aujourd’hui, mais la conclusion de l’autrice met en lumière une prouesse que l’on ne peut retirer à Sir Nicholas Grimshaw : celle d’avoir su transformer son expertise d’architecte, enrichie des méthodes de l’ingénieur, en bien plus qu’un simple label esthétique, en une véritable conviction pour l’avenir de la construction. Andrew Whalley, actuel président de Grimshaw, souligne à ce sujet : « Pour lui, il s’agissait avant tout d’imaginer des bâtiments qui dureraient parce qu’ils étaient utiles, exaltants et, comme Nicholas se plaisait à le dire, parce qu’ils “suscitaient une certaine joie”. »

© Grimshaw Architects
© Obs70 – Shutterstock

[1] Jacques Ferrier, « Les ingénieurs artisans », L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 267, février 1990, p. 75
[2] Ariane Wilson, « Eden Project, Cornouailles, Royaume-Uni », L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 335, juillet-août 2001, p. 39

React to this article