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Carré Sénart : l’histoire ancienne d’une ville nouvelle

Ingénieur chargé de recherches à l'Inrap, l'institut national de recherches archéologiques préventives, coordinateur des opérations archéologiques de Sénart de 1992 à 1996, Jean-Christophe Bats revient ici sur l'histoire du plateau de Sénart, « qui n'a jamais été un territoire vide ». 

Parmi les services instructeurs de l’État, le Service Régional de l’Archéologie (SRA-DRAC Ile-de-France) peut prescrire des recherches archéologiques avant la réalisation de travaux. Le travail des archéologues consiste à conserver les « archives du sol » grâce à la fouille et à l’étude des vestiges, autrement dit à prévenir la destruction d’informations archéologiques par les aménagements prévus et à transmettre aux générations futures ces connaissances. C’est le principe de l’archéologie préventive. C’est dans ce cadre que l’Afan (Association Française d’Archéologie Nationale) puis l’Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) réalise, depuis le début des années 90, les diagnostics et les fouilles sur l’emprise de la Ville Nouvelle de Sénart. Dans ce cas précis, nous savions qu’il s’agissait d’un très vaste programme d’archéologie préventive qui toucherait à terme le territoire de 10 communes et qu’un nombre considérable de vestiges allaient être mis au jour.

J’ai dirigé la première coordination archéologique de 1992 à 1996, qui a jeté les bases d’un cadre institutionnel, fonctionnel et scientifique sous l’égide du SRA et qui a permis d’établir des liens de confiance entre les chercheurs et les aménageurs. Par la suite, des opérations indépendantes se sont déroulées à chaque avancée du développement de la ville, jusqu’à aujourd’hui. Ainsi chaque équipe, chaque spécialiste intervenant sur ce territoire s’inscrit dans cette dynamique d’étroite collaboration.

Face aux premières découvertes, il nous est apparu primordial de pouvoir intégrer dans un vaste corpus l’étude de sites de nature très variée sur une très large chronologie. Quel lien peut-il y avoir entre un site du paléolithique moyen (-70 000 ans), une nécropole de l’âge du Fer (-2 500 ans), des fermes du XVIIIe siècle et l’urbanisme du XXIe siècle ? Ils s’inscrivent tous dans un même espace, le plateau de Sénart. C’est une question d’échelle et il était nécessaire, pour que ce corpus fasse sens, de définir un langage commun où les périodes devaient pouvoir dialoguer entre-elles, au-delà des spécificités de chaque site bien évidement. Pour développer cette archéologie du territoire nous nous sommes intéressés tout naturellement aux espaces dans lesquels ils s’inscrivent : routes, champs, bordures, forêts, fossés, généralement considérés comme des « non-sites » et pourtant fondamentaux pour comprendre l’évolution culturelle et économique d’une société. Ce langage commun, cette problématique scientifique, est bâti sur l’étude des modes d’appropriation de l’espace pour chaque culture rencontrée.

Ce langage a permis surtout d’établir un dialogue avec l’EPA Sénart sur le long terme car l’aménagement de l’espace est un acte commun à toutes les cultures humaines. Les observations archéologiques montrent que l’espace du plateau de Sénart n’a jamais été un territoire vide mais bien un milieu parcouru, utilisé, aménagé, donc anthropique, et depuis de longue date. Il possède sa propre Histoire. La prise en compte de ce patrimoine, de cet espace historique révélé par les fouilles dans les schémas structurants de la Ville permet d’inscrire son développement dans ce processus diachronique.

Cette approche particulière multiscalaire inclut par conséquent tous les protagonistes, urbanistes, aménageurs, archéologues, usagers en tant que groupe ou individuellement. Ainsi les nouveaux résidents de la Ville Nouvelle appartiennent à cette Histoire et en sont les acteurs.

Article issu de notre numéro hors-série Le Carré Sénart, Récit d'un paysage, disponible sur notre boutique en ligne.

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