Habiter le monde de Juliette Rousseau
Depuis cinq ans, la librairie montpelliéraine Sauramps et le quotidien Midi Libre s’associent pour remettre le prix littéraire « Habiter le monde », destiné à distinguer des œuvres qui explorent les grands enjeux de notre époque – notre rapport à la nature, l’aménagement des territoires, les défis écologiques ou l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Les textes récompensés mettent en lumière les questionnements de notre temps et les interactions humaines qui façonnent nos sociétés, comme Péquenaude, signé de la romancière bretonne Juliette Rousseau, publié aux éditions Cambourakis et lauréate du prix en mai 2025.
« À l’examen il y a les mots : péquenaud, plouc, beauf, cul-terreux. Campagnard. Je remarque : même dans les insultes, je n’existe pas. Mais en les féminisant, je glisse une première pierre à l’édifice du retour. Péquenaude. Un vent chaud dans les troènes, une haleine de stabule. Il faut savoir de quelle rugosité on émerge, pour en sentir le goût en bouche. »
Écrit à la suite d’un voyage dans la Haute-Bretagne natale de l’autrice, Péquenaude est « un texte composé de fragments, pas vraiment un récit, mais une longue réflexion qui tire autant du côté des sciences sociales que d’un présence sensorielle au lieu que j’habite, [en l’occurence] un lieu abîmé, un territoire assez peu représenté dans la littérature, et dans lequel la fonction économique – ici l’agro industrie – prend le pas sur tout le reste », raconte Juliette Rousseau dans le podcast Marque Page. « Ainsi, il me semblait qu’écrire poétiquement sur ce territoire était une façon de prendre sa défense face à la condition qui lui a été assignée. »
Après le succès de La Vie têtue, Juliette Rousseau continue de creuser les liens entre corps et territoire. Depuis la campagne agro-industrielle où elle vit, elle interroge la ruralité, les questions de classe et de genre, l’industrialisation, la relation au vivant, l’enfance, les traditions, la transmission… Dans une langue puissante et bouleversante, elle explore ce que signifie habiter une terre abîmée.
Notule du libraire : « C’est un livre aussi poétique que politique. Juliette Rousseau, dont c’est le deuxième livre, relate son retour dans le hameau breton où elle a grandi. Au rythme du quotidien, dans une langue vibrante et précise où chaque mot compte, elle raconte la beauté et l’âpreté d’un paysage abîmé par l’exploitation humaine. Elle observe et décrit en même temps la présence des femmes et des hommes qui l’habitent : leur relation au vivant, à la génération, la mémoire, la transmission. C’est un texte splendide, sensible et bouleversant, militant, libre et farouche, qui attise nos sens et notre intelligence par sa poésie et sa lucidité. Et qui parvient malgré ça à garder nos yeux ouverts sur la beauté du monde et sur la nécessité d’en prendre soin. »
Yann Granjon, libraire du rayon littérature de la libraire Sauramps à Montpellier