© Artefacto
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Le mur habité de l’agence Lebunetel

À Rennes, l’agence Lebunetel, fondée en 1992 par Nicolas Lebunetel, et associée à l’agence locale Le Priol livre cet automne un mur acoustique « habité » de 120 mètres qui, tout en préservant un quartier de la rumeur de la voie ferrée voisine, relance la vie de quartier grâce à des ateliers d’artistes abrités dans sa structure. Rencontre avec Nicolas Lebunetel — ou comment la petite échelle peut impacter la grande.

AA : Dans quel contexte avez-vous conçu ce mur habité ?

Nicolas Lebunetel : Le projet se situe dans le nouveau quartier Bernard-Duval (une ZAC), au sud-ouest de la ville, une friche industrielle bordée par la voie ferrée Paris-Brest et en frange d’un tissu de faubourgs du XIXe siècle. Nous avons été désignés lauréats de l’appel à projets en 2002, en tant qu’architectes-urbanistes coordinateurs. Le mur habité fait partie de cette immense opération de renouvellement urbain qui, via la réhabilitation du patrimoine industriel existant, promet à terme logements, bureaux et espaces dédiés à des activités culturelles. Plus encore, il vient à la place d’un ancien bâtiment industriel, placé le long de la voie ferrée. Tout l’enjeu fut donc de restituer le même niveau sonore une fois le bâtiment détruit. Plus qu’un simple mur acoustique, nous l’avons imaginé comme une promenade aérienne vers la Vilaine, formant une scène de théâtre en bois à l’italienne et ouvert sur le quartier.

AA : Pourriez-vous nous en dire plus sur les défis structurels d’une telle installation ?

NL : Il existe différents murs anti-bruit : certains consistent à absorber les bruits, d’autres les réfléchissent. C’est cette dernière solution que nous avons favorisée, car elle nous permettait d’offrir des vues, de libérer le regard, vers la voie ferrée et les quartiers au-delà. Pour contrer l’impact du bruit, nous avons privilégié un profil en arête, ainsi que des panneaux en fibro-ciment et en verre. Ce projet est le résultat de longues études sur sa géométrie, sa forme, les contraintes techniques, l’analyse des matériaux. Sur le versant sud du quartier vient se greffer une structure modulaire en bois lamellé-collé. Celle-ci forme des portiques, porteurs d’une promenade donnant sur les voies et ouverte au public. Ces portiques abritent des espaces de 5 × 5 mètres, qui accueillent des ateliers, ouverts aux artisans et artistes, qui participent de l’activité du quartier, et d’une urbanité citoyenne à vocation culturelle. Le plus grand défi fut la définition de la façade qui donne sur les voies de chemin de fer. Nous avons dessiné un calepinage qui s’ouvre par endroit sur des fenêtres paysagères, pour offrir un cadencement des vues, à la fois celles depuis la place, mais également celles offertes au quartier situé par-delà les voies ferrées.

AA : La nature de ce projet est-il une première pour votre agence ?

NL : Oui, c’est quelque chose que nous n’avions jamais expérimenté et qui est une belle illustration de notre posture — celle de comprendre, avant tout, pour qui on fait un quartier. L’idée d’insérer des ateliers destinés essentiellement à une activité artistique et artisanale nous permet de créer un lien avec l’existant — je pense notamment aux Ateliers du Vent, une association multidisciplinaire qui organise des résidences d’artistes, des événements et ateliers. Les Ateliers nous ont donné l’occasion d’identifier le quartier, en analysant leur attractivité. Réinterroger la façon de fabriquer la ville, c’est se poser fondamentalement la question « pourquoi » et « pour qui ». C’est un projet qui a fait progresser l’ensemble des acteurs impliqués par son côté innovant et unique, et nous a tout particulièrement motivés.

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© Artefacto
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État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour
État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour

 

État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour
État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour

 

État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour
État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour

 

État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour
État du projet en juin 2018 © Dimitri Lamour

Mur habité, ZAC Bernard-Duval, Rennes
Maîtrise d’œuvre : Lebunetel Architectes Urbanistes (mandataires), Le Priol (architecte associé), Univers Paysagistes, Altéabois (ingénierie bois)
Maîtrise d’ouvrage : Territoires et Développement
Programme : écran acoustique, locaux d’activités en option
Surface : 790 m² (VRD et structure bois), 700 m² (écran acoustique), 180 m² habitables
Chantier : 2014-2018
Livraison : novembre 2018
Photographies : Dimitri Lamour

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Propos recueillis par Anastasia de Villepin

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