« Ce n’est pas un simple minimum, c’est un simple essentiel » Réhabilitation de La Boulangerie par Atelier Rita et FBAA
Début 2026, Atelier Rita et François Brugel Architectes Associés (FBAA) achèveront la réhabilitation et l’humanisation des conditions d’accueil du centre d’hébergement La Boulangerie, dans le 18e arrondissement de Paris. Un chantier de plusieurs années en site occupé, qui incarne une façon de construire l’urgence en pensant l’après.
Yên Bui

C’est au cœur de la caserne Gley que sont intervenues les agences Atelier Rita et FBAA. Le bâtiment, un ancien site du ministère de la Défense de 10 000 m2, accueillait depuis 2004 un site d’hébergement à la nuitée géré par Adoma. En 2024, la réhabilitation de La Boulangerie s’inscrit dans un projet en trois phases avec, à terme, la mise en place de trois dispositifs d’accueil différenciés et adaptés au degré d’autonomie de chacun·e : un centre d’hébergement d’urgence (CHU) sous la forme d’un dortoir à la nuitée, un centre d’hébergement et de stabilisation (CHS), et enfin un centre d’insertion (CI) assurant un hébergement de transition pour des personnes en attente de l’examen de leurs situations administratives.
Selon Valentine Guichardaz (Atelier Rita), l’un des principaux enjeux du projet était de créer un espace capable de conjuguer accueil immédiat, stabilisation et insertion. Dans le même registre, Atelier Rita avait déjà réalisé, en 2017, un centre d’hébergement d’urgence à Ivry-sur-Seine, composé de yourtes en toiles destinés à des familles de migrants devant être logés en urgence. À La Boulangerie, la typologie est différente ; ici, pas de yourtes, mais une barre de 130×30 mètres, sur quatre niveaux. Atelier Rita et FBAA ont fait le choix d’assigner chaque dispositif d’accueil à un étage, une répartition rendue possible grâce à la séparation des flux pour éviter aux différents dispositifs de se croiser.

Ainsi, les dortoirs du rez-de-chaussée ont été repensés et cloisonnés pour devenir des chambres de 2 à 3 personnes avec sanitaires communs attenants. Avec une capacité totale de 386 places, le CHU héberge tous les jours 100 à 116 personnes orientées par le Samusocial, prises en charge 24h/24. Toujours au rez-de-chaussée, un CHS de 50 places offrant un hébergement « moyenne durée » destiné à des personnes éloignées de l’insertion afin de leur permettre de stabiliser leur situation et ainsi favoriser leur orientation ultérieure vers des structures plus pérennes. Dans la continuité du CHU, l’hébergement de stabilisation s’accompagne d’un projet socio-éducatif individualisé qui met l’accent sur l’autonomie. Un espace de restauration est également installé à cet étage. Au premier et deuxième étage, le nouveau centre comprend désormais un centre d’insertion (CI) de 186 places ainsi qu’un centre de stabilisation de 104 places équipé d’une cuisine commune, offrant ainsi un degré d’autonomie supplémentaire par apport au CHS pour permettre notamment l’accueil de familles. En janvier 2026, le troisième et dernier dispositif, l’unité de mise à l’abri, ouvrira ses portes au rez-de-chaussée du bâtiment. En liaison avec le Samusocial, il offrira accueil à la nuitée ou de très courte durée pour 150 personnes. Les hébergé·es bénéficieront d’un projet socio-éducatif individualisé en vue de stabiliser leur situation et ainsi favoriser leur orientation ultérieure vers des structures plus pérennes.
Avec cette réhabilitation, La Boulangerie n’a plus simplement vocation à offrir un lieu d’hébergement d’urgence : le centre participe également à accompagner les personnes hébergé·es dans la construction d’un parcours de vie plus autonome.


Pour cette réhabilitation, les architectes ont été confronté·es à plusieurs enjeux constructifs, notamment la nécessité d’un chantier en site occupé pour continuer à accueillir les personnes dans les dortoirs à la nuitée, aménagés le temps des travaux dans les trois halls du rez-de-chaussée : un pour chaque dispositif, sans croisement entre les flux afin de préserver l’intimité de chacun·e.
Le bâtiment d’origine, en ossature en béton armé poteaux-poutres et orienté nord-sud, a été évidé de toutes ses cloisons pour révéler des plateaux de 2 800 m2. La trame régulière de 6×7,5 mètres a permis aux architectes d’aménager deux chambres entre chaque travée de poteaux afin que toutes bénéficient d’au moins une fenêtre. À chaque étage, les plateaux sont organisés selon une couronne d’espaces servis (chambres et pièces d’activités) le long des façades, autour d’une bande servante qui accueille les circulations verticales, les sanitaires, les gaines techniques et les locaux de service. Aux extrémités du bâtiment, les espaces communs qui profitent également d’un généreux apport de lumière naturelle.
Pour échapper à l’écriture carcérale induite par les longs couloirs aveugles menant aux chambres, les architectes ont creusé un patio central pour augmenter l’apport de lumière naturelle en cœur de bâtiment. Les cloisons en biobrique, dont la forte inertie thermique contribue à conserver la chaleur, sont laissées apparentes pour créer une atmosphère plus chaleureuse. Pour des questions d’économie de moyens, les architectes ont préféré travailler main dans la main avec l’entreprise de construction pour la mise en œuvre des cloisons en brique plutôt que de les recouvrir d’enduit. Une partie conséquente de la rénovation réside dans les dispositifs thermiques : l’isolation de toiture a été renforcée et intègre désormais des systèmes de ventilation, et les anciens vitrages en verre armé ont été remplacés par des châssis intérieurs plus performants.
Les architectes, les entreprises et les équipes de terrain d’Adoma ont travaillé ensemble pour adapter les espaces aux usages réels de ses occupant·es. « Les équipes d’Adoma nous ont aidé à concevoir les espaces selon les usages quotidiens des personnes hébergé·es, mais également des équipes qui travaillent sur place », explique Valentine Guichardaz. « Même si nous avions déjà construit de l’hébergement d’urgence à Ivry-sur-Seine, les problématiques n’étaient pas du tout les mêmes. » Cette expérience avait mené, par exemple, à la construction d’une galerie technique derrière les sanitaires, afin de faciliter l’accès aux équipements pour les équipes de maintenance. Ce projet à 14 millions d’euros, financé conjointement par l’Anah (Agence Nationale de l’Habitat), l’État et la Ville de Paris, repose sur un bail de 25 ans sans programme fixe, offrant une possibilité d’évolution au gré des besoins.

« Ce n’est pas un simple minimum, c’est un simple essentiel » déclarait l’architecte François Brugel à propos de La Boulangerie, lors d’une conférence à l’Ensa Paris-Belleville en mai dernier. Une formule qui rappelle que dans ces lieux, l’urgence s’accorde parfois avec une baisse des exigences. Plus qu’une réhabilitation, le projet de La Boulangerie est le manifeste en actes d’une autre manière d’accueillir, où l’architecture devient vecteur de dignité.
La Boulangerie, Paris 18e arrondissement, 2025
Programme : Centre d’hébergement d’urgence La Boulangerie, opération de réhabilitation et d’humanisation des conditions d’accueil d’un centre d’hébergement d’urgence de 438 places dans une ancienne boulangerie militaire
Maîtrise d’ouvrage : Adoma
Architectes : François Brugel architectes associés (mandataires), Atelier RITA (co-traitants)
Équipe de maîtrise d’oeuvre : BETREC (BE TCE), 42 Consulting CSSI
Entreprise générale : GTM
Photographies : Jared Chulski, Daniel Moulinet
Surface : 10 626 m2
Livraison : en cours (janvier 2026)
Coût : 14 millions d’euros HT
Atelier Rita fait partie des projets mentionnés dans l'enquête sur l'habitat d'urgence, paru dans le numéro 464 de AA « Guerre et Paix », toujours disponible sur notre boutique en ligne.

