Place de Toscane © Bernard Durand-Rival
Place de Toscane © Bernard Durand-Rival

Inclassable

Val d’Europe : au-delà des apparences, une leçon

Dans ses formes nouvelles, l’architecture « classique » fait l’objet des plus vives critiques. C’est la méconnaître et la résumer à ses plus mauvaises expressions. À Val d’Europe, en marge de Disneyland Paris, les opérations forcent l’admiration pour leur qualité d’exécution. Ce mérite revient-il au style ou à l’engagement ? Entretien avec Bernard Durand-Rival, Senior Manager Architecture-Urbanisme chez Real Estate Development by Euro Disney. 

L’Architecture d’Aujourd’hui : Val d’Europe est né de la volonté de l’État. Pour autant, la Walt Disney Company voulait un droit de regard sur l’urbanisme et l’aménagement de ce territoire. Pourquoi ?
Bernard Durand-Rival : Pour expliquer cette particularité, il faut évoquer l’histoire des parcs de loisirs de la Walt Disney Company. Le premier parc d’attractions est né en Californie, au milieu des orangers. Le développement des suburbs est venu entourer le parc de centres commerciaux, de motels, de pavillons… Bref, une banlieue loin d’être qualitative. Le parc, étouffé par cet environnement, n’a pas pu s’agrandir. Il n’avait donc pour possibilité que de se renouveler sur lui-même. En réaction, les parcs érigés plus tard en Floride occupent un vaste espace naturel d’où l’échelle urbaine est totalement absente. Marne-la-Vallée devait être, dans ce contexte, l’occasion d’une nouvelle stratégie. En plus d’une destination touristique et ludique, la Walt Disney Company souhaitait participer activement au développement d’une destination urbaine. Il fallait en conséquence éviter d’ériger une énième banlieue aux abords de la destination touristique et, au contraire, concevoir un territoire agréable, une véritable ambiance urbaine et une architecture cohérente qui ne soit pas synonyme de mal-être. Pour ce faire, nous avons cherché à insuffler l’esprit des villes européennes, notamment dans leur tracé viaire et leurs mitoyennetés. Nous souhaitions ainsi structurer des rues et des places et retrouver des hiérarchies perdues entre les avenues, les mails, les cours, les sentes…

AA : Qu’en est-il, face à cette ambition urbaine, de la question architecturale ? Pourquoi mobiliser, pour ce projet, la notion de « style » ?
BDR : Nous voulions éviter les effets de mode afin que la qualité perdure et que la noblesse reste. Il s’agissait également d’éviter une architecture trop hétérogène et de privilégier une cohérence d’ensemble empreinte de diversité. En d’autres termes, créer une architecture durable. Nous avons cependant tâtonné en abordant cette notion de style. Nous avions à notre disposition un véritable creuset de formes. Le vocabulaire néoclassique nous est toutefois apparu porteur d’une géométrie simple, compréhensible par tous. Elle évoque à la fois le temple grec et la cabane primitive. C’est un langage universel que l’on retrouve de Saint-Pétersbourg à Washington, en passant par Londres et Paris. Enfin, nous mettons en place un storytelling pour faire de notre démarche non pas un caprice, mais un récit urbain plausible. 

AA : Diriez-vous de cette architecture qu’elle est un pastiche ?
BDR : À mes yeux, le pastiche est une caricature et nous souhaitions tout le contraire. Il s’agissait pour nous d’utiliser correctement des références stylistiques. Si nous voulons évoquer un style, nous voulons le faire au mieux. Cependant, le relief coûte cher. Conscients de cette économie de projet, nous invitons à mettre l’argent là où le regard porte : sur des rez-de-chaussée nobles, des entrées généreuses, des halls bien traités… Tout cela passe aussi par du faux. Mais un faux particulièrement qualitatif comme l’histoire de l’architecture en a produit sans fausse pudeur.

AA : L’architecture de Val d’Europe, contrairement aux opérations dites « classiques » développées dans les communes limitrophes, est particulièrement soignée. Comment expliquez-vous cette différence ?
BDR : Quand il y a une volonté de créer une cohérence stylistique, il faut la travailler en respectant le plus possible les règles de composition et d’écriture. En outre, l’ornement en architecture classique a souvent, contrairement à ce que l’on pense, une fonction. Une corniche ou un fronton, par exemple, servent à la protection des façades. Ce sont, in fine, des dispositifs particulièrement salutaires pour le vieillissement des bâtiments. Encore faut-il les dessiner et les réaliser correctement. Si nous arrivons à Val d’Europe à une certaine qualité d’exécution, c’est que nous sommes présents dans le temps et ce, depuis le concours. Nous donnons, dès le départ, un cahier des charges sur la mise en oeuvre des détails. Il y a, ensuite, des règles qui sont édictées entre nous et les promoteurs. Enfin, tout projet fait l’objet d’un pré-permis permettant à l’ensemble des acteurs de Val d’Europe de commenter le projet avant le dépôt du permis de construire. À chaque étape du processus de conception d’un projet – de l’esquisse au dossier de marché – nous avons quinze jours pour valider les pièces graphiques ou écrites ; nous regardons attentivement dans ces délais si ce que nous avons validé précédemment sera parfaitement réalisé.

AA : L’ornement n’est-il pas plus cher ?
BDR : Je suis architecte. J’avais autrefois dessiné une église, rue de la Roquette, à Paris. J’avais imaginé un travail à la Botta dans du béton matricé. L’entreprise avait estimé que je dépassais le budget de 50%. Le travail sur des propositions inhabituelles et très détaillées fait généralement peur. Aussi, les entreprises se protègent et se retranchent souvent derrière un surcoût ou bien elles affirment aller au-devant de problèmes. Il faut donc instaurer un dialogue pour ne pas bloquer un projet tout en maintenant un certain niveau de qualité. Mais ce dialogue réclame une connaissance de notre part ou de la part des architectes. Nous regrettons aussi qu’il y ait de moins en moins d’artisans et de compagnons qualifiés dans les entreprises. Nous nous retrouvons parfois à faire preuve de pédagogie vis-à-vis d’eux afin d’obtenir une bonne exécution des détails.

Léon Krier, brasserie, section, 2000. © Léon Krier
Léon Krier, brasserie, coupe, 2000. © Léon Krier

 

© Bernard Durand-Rival -Quartier des Studios - Val d_Europe
Le quartier des Studios à Val d’Europe. © Bernard Durand-Rival

 

 

© Bernard Durand-Rival -Quartier du Lac - Val d_Europe
Résidences au nord-est de la ville, dans le quartier du Lac. © Bernard Durand-Rival

 

© Bernard Durand-Rival -Plazza, quartier de la Gare - Val d_Europe
La Plazza dans le quartier de la Gare à Val d’Europe. © Bernard Durand-Rival

 

Le quartier du Lac Mairie© Bernard Durand-Rival
© Bernard Durand-Rival

 

Le quartier du Parc © Bernard Durand-Rival
Le quartier du Parc © Bernard Durand-Rival

 

© Luc Boegly
© Luc Boegly

 

© Luc Boegly
© Luc Boegly

 

© Luc Boegly
© Luc Boegly

 

© Luc Boegly
© Luc Boegly

 

© Luc Boegly - N027848
© Luc Boegly

Cet article écrit par Jean-Philippe Hugron est extrait du numéro 429 d’AA, « Ornements, icônes et symboles », disponible en librairies et sur notre boutique en ligne.

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  • Hadlbert, the , wrote:

    Dites, c’est un article sérieux, ou un publi-reportage ? Je ne suis pas archtiecte, je n’y entrave que pouic à l’urbanisme, mais je sais reconnaître un décor de cinéma. Cette ville est visiblement à l’archtiecture ce que les co-productions européennes sont au 7ème art : une pavlova indigeste et trop sucrée, fatalement destinée à se liquéfier en bouillie. En termes de geste architectural, ce n’est pas le dessert, mais plutôt le désert !