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Urban Focus : l’art, l’archéologie et la poésie des friches de Saint-Etienne

Friche boulevard Jules Janin © Maxime Disy
Friche boulevard Jules Janin © Maxime Disy

Composé en 2014 par Maxime Disy et Etienne Pouvreau puis rejoint par Agathe Montel, le collectif Urban Focus photographie, documente et cartographie les friches industrielles de Saint-Etienne. Son objectif ? Initier un processus de réhabilitation à but culturel et artistique. AA s’est entretenu avec Maxime Disy et Agathe Montel au sujet de la philosophie de leurs projets.

L’Architecture d’Aujourd’hui : En quelques mots, pouvez-vous décrire le projet Urban Focus et ses origines ?

Cartographie exposée © Agathe Montel
Cartographie exposée © Agathe Montel

Notre projet s’inscrit d’abord dans une démarche d’exploration urbaine et artistique. En tant que photographes, Etienne et moi aimions prendre des clichés des friches industrielles car elles sont révélatrices du patrimoine, de l’identité des lieux et de la région. Nos photos ont été remarquées par plusieurs galeries stéphanoises : la galerie  « Les Limbes », l’ I.C.C.T, le festival « Photos dans Lerpt » et les Archives Municipales de Saint-Etienne.

Puis, l’architecte et urbaniste Agathe Montel nous a rejoint alors qu’elle écrivait son mémoire de fin d’études sur le lien entre les friches industrielles, la mémoire et l’imaginaire

collectif. Ensemble, notre projet a évolué avec l’objectif de réhabiliter ces lieux et proposer une programmation culturelle pour les investir. Par un travail photographique et cartographique, notre approche consiste à mettre en valeur l’esthétique de ces bâtiments, révéler leur potentiel – en lien avec le devenir de la ville – et amener la municipalité à les reconvertir.

Notre projet a été retenu par l’EPASE (Etablissement Public d’Aménagement de Saint-Etienne) et s’est concrétisé par une exposition photographique et des activités organisées autour de la question du devenir des friches industrielles (tables rondes, conférences, vernissages, projections de film, interventions d’artistes et un workshop) pendant la biennale de design de Saint-Etienne qui a eu lieu du 9 mars au 9 avril 2017.

Ces événements ont ouvert la possibilité de travailler avec les acteurs locaux, les institutions et se montrer force de proposition pour porter des projets qui préservent ces lieux. Le workshop avec les étudiants a permis, de façon plus concrète, d’imaginer ce que pourrait devenir la friche située impasse Bourgneuf dans le secteur Carnot à Saint-Etienne. Elle est actuellement au cœur d’un diagnostic urbain ; son futur est donc remis en question. Le workshop a engendré une réflexion sur le réaménagement de la friche, puis a permis de concevoir une maquette de son espace intérieur. Le travail réalisé a ensuite été exposé et présenté auprès du public et des institutions de gestion. L’adjointe à l’urbanisme de la Ville était notamment présente.

Quels sont les positions adoptées par la Ville au sujet de la réhabilitation des friches industrielles ?

La Ville préfère souvent démolir puis reconstruire, souvent pour des raisons économiques. Les investissements des promoteurs privés représentent des rentrées d’argent sur le court terme. Par ailleurs, les friches sont aussi les vestiges du passé industriel que la ville cherche tant bien que mal à effacer et oublier. Elles sont révélatrices des effets pervers du capitalisme et des ravages de la désindustrialisation qui ont plongé une grande partie de la population au chômage. Environ 150 000 personnes travaillaient dans ces usines à charbon, la métallurgie, etc. À travers l’exploration urbaine, notre position s’inscrit dans une forme de militantisme pour préserver ces lieux et montrer leur beauté grâce à nos photos.

La réhabilitation des friches soulève un certain nombre de questions. D’une part parce que la friche fait vivre l’imaginaire de la ville et fait partie de son identité ; militer pour leur réhabilitation c’est militer pour la sauvegarde du patrimoine. Nous défendons l’architecture de contexte. Il y a plus de sens à construire avec ce qui est déjà existant, pour des raisons écologiques évidemment mais aussi parce que construire du neuf engendre parfois des architectures hétérogènes, des lieux et des bâtiments qui ne communiquent plus entre eux. Par ailleurs cela soulève aussi un questionnement sur l’espace disponible dans la ville. Pour l’instant les lieux restent abandonnés en attente de grands projets.

Workshop étudiant © Maxime Disy

Avez-vous des exemples de réhabilitations de friches réussies ?

Il y a environ une vingtaine de friches à Saint Etienne. L’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne a été aménagée dans une ancienne manufacture ainsi que le Musée de la mine. La ville de Berlin, par exemple, a été confrontée à des problématiques semblables mais s’est ouvert aux artistes pour réinvestir certains lieux abandonnés et recréer quelque chose de complètement différent. Nous voudrions collaborer avec la ville pour faire quelque chose de similaire mais, pour l’instant, les positions des acteurs de la ville sont mitigées. D’un côté, l’EPASE pourrait nous apporter un éventuel soutien, mais le maire a plutôt pour politique de raser les lieux pour relancer la croissance. Nous rencontrons de la réticence à entreprendre dans ces projets de réhabilitation. Nous, nous sommes là pour faire le lien et servir de médiateurs entre les artistes et les acteurs de la ville et de l’urbanisme. La biennale de Saint-Etienne nous a pour cela permis de rencontrer les habitants et d’ouvrir le débat sur ces thématiques. Les documentaires Jazz et Resilience réalisés par Arno Bitschy que nous avons projeté pour clore les événements d’Urban Focus à la biennale, ont permis d’établir un parallèle entre Détroit et Saint-Etienne. Les films illustrent le fait qu’il y a des endroits où la transformation et la réutilisation fonctionnent bien.

Friche Mermier © Maxime Disy
Friche Mermier © Maxime Disy

Quelles sont les prochaines étapes pour vous et votre collectif ?

Urban Focus est un projet indépendant et autofinancé. Les membres ont d’autres projets à leur actif. Agathe Montel, par exemple, fait aussi partie de l’association Carton Plein qui travaille sur l’expérimentation urbaine et fait collaborer artistes, sociologues et architectes dans la conception d’espaces publics temporaires et expérimentaux. Les événements de la biennale nous ont demandé un important travail d’organisation, il faudra donc attendre le mois de septembre pour participer à nos prochaines actions. En attendant vous pouvez nous suivre sur notre page Facebook pour vous tenir au courant.

La Rotonde © Maxime Disy
La Rotonde © Maxime Disy

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