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AA Rétro : Plaidoyer pour la diversité, Jörg Schlaich, AA 335

 

Pont ferroviaire de Stuttgart-Bad Cannstatt ©DR
Pont ferroviaire de Stuttgart-Bad Cannstatt © DR

Si les ingénieurs se considèrent comme des technocrates, comme de simples valets du client ou de l’architecte, ils ne devraient pas s’étonner de la mauvaise image de leur profession. Jörg Schlaich ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’attaque au gouffre qui, d’après lui, sépare l’adret où brillent les prouesses technologiques et les records de longueur sans cesse repoussés de l’ubac où règne la sombre monotonie des ouvrages d’art conventionnels.

Jörg Schlaich plaide pour un nouvel art de la structure. La performance de ses multiples réalisations relève d’une approche globale, intégrant, au-delà de l’innovation technique, des aspects fonctionnels, économiques et esthétiques. Il insiste sur l’importance de la phase préliminaire du projet que l’ingénieur ne peut traiter de manière expéditive sans en pâtir ensuite. Comme l’architecture, l’art de la structure est celui de la fabrication de prototypes et non pas celui de la production en série. Les ponts et les passerelles que nous publions ici sont, en effet, des prototypes aussi spécifiques que les situations auxquelles ils répondent.

Professeur et directeur de l’Institut d’ingénierie structurelle de l’université de Stuttgart, Jörg Schlaich est l’un des associés de Schlaich, Bergennann und Partner. Ces extraits sont issus du numéro 335 de L’Architecture d’Aujourd’hui, sorti en juillet 2001, dédié aux Franchissements.

L'Architecture d'Aujourd'hui n°335 ©DR
L’Architecture d’Aujourd’hui n°335 © DR

Pont ferroviaire de l’Humboldthafen, Berlin

« Situé au cœur de Berlin, près du Reichstag, le pont enjambe un bassin du port donnant sur la rivière Spree. Il devait accueillir sept voies sur une trajectoire courbe et à dis­tance variable en plan sans rien perdre de sa légèreté et de sa transparence sous quelque angle qu’on le regarde. Un défi posé à ses concepteurs que la poutre caisson classique ne permettait pas de relever. Ils optèrent finalement pour quatre tabliers de béton indépendants et compacts soutenus par des arcs en acier. Cette solution assurait une structure convaincante et relativement légère, en dépit des lourdes charges et des contraintes de déformations auxquelles elle serait soumise. Les joints des tubes et les connecteurs qui les relient au béton du tablier et des piles sont réalisés en acier moulé, technique qu’avaient déjà expérimentée le maitre d’œuvre et son équipe pour des passerelles piétonnes et des ponts routiers. Ces joints ont fait l’objet d’essais approfondis en grandeur nature, qui ont confirmé leur faisabilité pour des ponts routiers et témoigné de leur résistance à la fatigue. Ces joints étant à tous égards – esthétique, soudabilité, durabilité – supérieurs aux tubes directement soudés, ce pont apporte une dimension novatrice aux structures tubulaires et composites. »

Architecte : M. von Gerkan ; Maître d’ouvrage : Deutsche Bahn AG ; Livraison : 2000.

L'Architecture d'Aujourd'hui n°335 ©DR
L’Architecture d’Aujourd’hui n°335 © DR

Nouvelle approche de l’extrados : le pont ferroviaire de Stuttgart-Bad Cannstatt

« Imaginez les câbles d’un pont suspendu dont le haubanage a été découpé dans une feuille d’acier plate évidée là où les contraintes sont les plus faibles ; ou bien imaginez un pont en arcs, dont les arcs ne se trouveraient pas, comme d’habitude, sous le tablier, mais au-dessus et inversés, et par conséquent en tension. C’est précisément la configuration de ce pont ferroviaire à quatre voies. Les pylônes et le tablier sont en béton, tandis que les voilures auxquelles est suspendu le tablier sont taillées dans des plaques d’acier de 80 mm d’épaisseur. »

Maitre d’ouvrage : Deutsche Bahn AG ; Projet en cours de réalisation (livraison prévue en 2020).

Pont routier, vallée de Nesenbach, Stuttgart

« Ce pont routier, long d’à peine 150 mètres, émerge de deux tunnels situés sur chacun des versants de la vallée qu’il franchit. Le pont doit accueillir une passerelle piétonne au-dessus de la voie routière, et prévoit des écrans antibruit, installés d’un côté pour les riverains établis au même niveau que le pont, et de l’autre pour les riverains habitant en surplomb, à flanc de colline. Constituée d’arceaux d’acier léger et équipée de volets réglables, la barrière antibruit s’inscrit, par sa forme, dans le prolongement des tunnels. Le pont proprement dit est composé d’un tablier en dalles de béton porté par un treillis en acier tubulaire reposant sur des piles en fourche en acier tubulaire. Ici encore, tous les joints sont réalisés en acier moulé. Le pont ne présente ni appui articulé ni joint d’expansion. Cette structure est intégralement monolithique, y compris aux culées où le tablier rejoint les tunnels. Le ferraillage a été conçu pour prendre en compte les contraintes induites. »

Maitre d’ouvrage : Ville de Stuttgart ; Livraison : 1999.

L'Architecture d'Aujourd'hui n°335 ©DR
L’Architecture d’Aujourd’hui n°335 © DR

Passerelle piétonne suspendue et levante à Duisburg

« Les environs du vieux port de Duisburg, sur un bras du Rhin, vont être transformés en un quartier résidentiel et d’immeubles de bureaux, Très peu de bateaux naviguent encore. La nouvelle passerelle peut donc être presque horizontale, ce qui la rend accessible aux handicapés. Il arrive pourtant que des navires de fort tonnage empruntent encore le passage ; il fallait donc prévoir une hauteur de dégagement suffisante. À première vue, la passerelle ressemble à un pont suspendu classique. En fait, son tablier est articulé aux points d’attache des suspentes. Ainsi, à l’approche d’un navire, les haubans extérieurs se rétractent, faisant basculer les pylônes vers l’arrière et tendant ainsi le câble porteur pour relever le pont. Les piétons peuvent passer tant qu’il ne dépasse pas sa position médiane, et les plus sportifs peuvent toujours tenter l’aventure lorsque en position haute, il est entièrement relevé. »

Maître d’ouvrage : Ville de Duisburg ; Livraison : 1999.

L'Architecture d'Aujourd'hui n°335 ©DR
L’Architecture d’Aujourd’hui n°335
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Cet article est tiré du numéro 335 de L’Architecture d’Aujourd’hui, sorti en juillet 2001, dédié aux Franchissements.

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