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Des hommes et des lieux : sur la route, une vie de yourtes

Cette semaine, Coline et Capucine proposent un aperçu du quotidien des Mongols à la campagne, au travers de différentes rencontres faites tout au long de leur voyage, du désert de Gobi au Sud jusqu’au lac Khövsgöl, au Nord…

Photos et légendes de Coline et Capucine Madelaine.

1-Traite

Le couple d’éleveurs Ouyntyngalag et Gansukh a récemment quitté son camp d’hiver, stratégiquement installé à quelques kilomètres à côté du puits le plus proche, pour passer l’été au niveau d’un pâturage plus fourni pour ses troupeaux. Matin et soir, Ouyntyngalag, parfois assistée par son mari, trait les chèvres avant de faire bouillir le lait pour le pasteuriser et le consommer immédiatement ou le transformer en beurre ou en yaourt séché. À cette époque de l’année, il n’y a pas encore beaucoup à faire puisque les chèvres allaitent leurs petits mais le travail s’intensifiera durant l’été.

Ouyntyngalag et Gansukh vivent de leur élevage de chèvres et profitent, depuis dix ans, du tourisme grandissant en Mongolie en accueillant des voyageurs. Avec les 50 000 Tugriks (à peine 20 euros) obtenus pour l’hébergement de cinq personnes pendant une nuit, la famille se ravitaille en gâteaux, soupes de nouilles instantanées et viande de cheval…

2-Chevreau

Undrakh tient fermement un chevreau de quelques jours abandonné par une mère trop jeune pour s’en occuper. Recueilli par les éleveurs, il est devenu le jouet favori de la fillette. Gardée par son oncle et sa tante parce que ses parents travaillent loin, Undrakh (seule enfant du campement) a fait des animaux ses principaux compagnons. Et lorsque des touristes venus passer une ou deux nuits dans sa famille parviennent à l’apprivoiser, elle ne les lâche plus d’une semelle !

À la campagne, les jeux pour enfants sont rares (on trouve parfois une ou deux poupées ou un âne à bascule en plastique dans les yourtes), et ces derniers passent leurs journées dehors. Dès leur plus jeune âge, les petits Mongols se montrent très débrouillards et indépendants. Toutefois, les accidents domestiques sont nombreux en Mongolie : il n’est par exemple pas rare de croiser un petit au poignet brûlé à cause d’un moment d’inattention à côté du poêle central…

3-Montage-#1

Erdenee habite Dalanzadgad (la ville « aux soixante-dix sources »), aux portes du désert de Gobi. Comme tous les chauffeurs et guides, il passe la saison touristique en vadrouille, à conduire les touristes sur les pistes accidentées de la région, dans son vieux mais robuste van russe. Les expéditions durent généralement plusieurs jours, parfois plusieurs semaines, durant lesquels Erdenee dort sur les banquettes en cuir de son véhicule ou dans la yourte d’une famille nomade. Gîte et couverts sont toujours offerts aux « travailleurs touristiques » qui, en retour, s’attèlent volontiers au montage d’une yourte, au rassemblement des troupeaux, à la cuisine et à la vaisselle. Les soirées se déroulent souvent autour d’une soupe de nouilles et de viande séchée, accompagnée d’une bouteille de vodka, de chants traditionnels et du visionnage de l’album photo des hôtes.

4-Montage-#2

Gambaa et sa famille habitent à deux pas des falaises rouges de Bayanzag, un des lieux les plus visités du désert de Gobi. Comme beaucoup de nomades, ils accueillent des voyageurs durant l’été. Leur atout majeur : offrir une atmosphère plus « authentique » que celle des nombreux camps de touristes, installés partout dans les alentours et qui séduisent pour leurs infrastructures plus développées. Au mois de mai, les familles s’activent pour monter les yourtes, creuser de nouvelles toilettes et, parfois, construire des douches.

Ici, Gambaa fixe du feutre de mouton sur un drap fraîchement lavé qui recouvre la structure bois de la yourte : un treillis circulaire et deux poteaux centraux sur lesquels reposent la « tonoo » (coupole) et les perches du plafond. Prochaines couches : une bâche plastique, une nouvelle épaisseur de feutre et, en dernier, le tissu blanc (parfois gris) caractéristique des yourtes mongoles.

5--Tsetserleg-#1

À Ulaan-am, dans la vallée de l’Orkhon, l’association française Educate a construit en 2016 une « tsetserleg » (école maternelle), pour pallier le manque d’équipements en matière d’éducation dans la steppe. Composée de deux yourtes (réparties entre un espace pour le sommeil et un autre pour faire la classe) organisées autour d’un bâtiment en « dur » (abritant la cuisine et quelques pots pour les besoins des enfants), l’école est ouverte de septembre à juin. En moyenne, les deux institutrices accueillent une trentaine d’élèves âgés de deux à six ans, sauf pendant l’hiver où le climat rude empêche beaucoup d’enfants (surtout ceux des éleveurs nomades) d’accéder au village…

6--Tsetserleg-#2

Le programme de la classe, qui a lieu le matin, s’apparente au système français : les élèves apprennent à dessiner, à colorier, à compter, à chanter… L’après-midi, on fait la sieste sur de fins matelas disposés à même le sol d’une des yourtes. À quinze heures, il s’agit pour les élèves de se rhabiller et de se nettoyer avant de s’attabler autour d’un « goûter » (qui fera, dans la plupart des cas, office de dîner) préparé quotidiennement par les institutrices. À quelques exceptions près, les enfants sont sages et plutôt autonomes : les vêtements sont vite enfilés et les roushuur, beignets traditionnels fourrés à la viande, vite engloutis. À partir de dix-sept heures, les parents viennent chercher les enfants. Et pour les retardataires, une des maîtresses habite à cinq minutes à pied et se charge de garder les petits jusqu’à leur arrivée.

7--Élections

Gambaatar, éleveur nomade du « sum » (district) de Kharkhorin, et Monsieur Ganaa, son invité responsable de l’agriculture à la mairie, découvrent avec curiosité les candidats du second tour de l’élection présidentielle française. Marine Le Pen et Emmanuel Macron apparaissent successivement sur l’écran et suscitent l’hilarité générale. Comme le frigo, le congélateur et quelques lampes, la télévision est alimentée par un panneau solaire installé sur la yourte. Une parabole permet de capter les chaînes locales.

L’habitat traditionnel demeure mais se modernise petit à petit, pour répondre aux aspirations des Mongols à un mode de vie plus connecté avec le monde extérieur… Il est assez courant de retrouver les « Feux de l’amour » version coréenne doublée en mongol, au milieu de la steppe.

8--Femmes

La femme de Gambaatar, Otgoo, prépare le traditionnel thé au lait salé pour son mari et ses invités. Le poêle, situé entre les deux poteaux centraux orangés et alimenté par du crottin séché, demeure l’apanage des femmes… Ici, les femmes font la cuisine, le ménage, la couture et la traite tout en s’occupant des enfants, pendant que les hommes se consacrent aux troupeaux et aux « affaires », à l’extérieur. Pendant longtemps, cette séparation s’est illustrée par l’organisation même de la yourte : la partie Nord de celle-ci était exclusivement réservée aux hommes, quand les femmes devaient rester près du poêle et de la cuisine, au niveau de l’entrée. Aujourd’hui, les règles se sont assouplies, mais les rôles restent délimités…

9-Horse-tour

Parfois difficilement accessibles par véhicule motorisé, les abords du lac Khövsgöl, deuxième plus grande étendue d’eau de Mongolie (136 km de long sur 36 km de large) entourée de montagnes rocailleuses, se prêtent bien aux randonnées équestres. Pour en faire le tour complet, il faut entre 14 et 21 jours… À Khatgal, petite bourgade située à l’entrée Sud du lac, la concurrence est rude entre les tours proposés par les guest houses et les « indépendants », aux prix souvent plus avantageux. À vingt-huit ans, Marhaa possède une cinquantaine de chevaux qu’il élève en retrait de la ville, à l’orée des montagnes. Sa réputation, déjà bien établie dans les environs, lui vaut de récupérer ses clients (qu’il accoste directement dans la rue) loin des zones touristiques, à l’abri des regards…

10--Lutte-mongole

À peine a-t-il posé pied à terre que Marhaa s’empresse de trouver un partenaire pour s’entraîner à la lutte mongole, sport traditionnel très apprécié pour ses démonstrations de virilité. Malgré son gabarit, il a réussi à remporter le Nadaam de son district lorsqu’il était plus jeune. Sa médaille est fièrement accrochée dans la petite yourte qu’il partage avec sa femme et son fils de deux ans, entre la télévision et l’autel bouddhiste. Avant de se consacrer à la lutte, Marhaa a participé, comme tous les enfants de six à douze ans, aux courses de chevaux… qu’il a remportées plus d’une fois. Infatigable, ce compétiteur ne recule devant rien : après quatre jours passés à cheval, il repart en moto pour concourir le lendemain à plus de mille kilomètres !

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