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COP21 : faut-il s’en réjouir ? (1/2)

Un accord climat en demi-teinte

Dire que l’accord sur le climat adopté à la fin de la COP21 divise les observateurs est un euphémisme. Entre thuriféraires et détracteurs du texte, quelques voix expriment un optimisme mesuré, comme celle de Pierre Lefèvre, journaliste spécialisé en développement durable.

© Sylvain Larnicole
© Sylvain Larnicol

La conférence Climat s’est achevée le 12 décembre 2015 sous les applaudissements nourris des représentants des pays présents, saluant un accord qualifié d’historique pour lutter contre le changement climatique. L’objectif de l’accord est certes ambitieux. Il représente indéniablement un signal politique fort pour l’ensemble de la planète après l’échec à réaliser un tel consensus en 2009 à Copenhague.

Il faut donc bien sûr se réjouir qu’il y ait eu accord, mais il n’en faut pas moins, dans le même temps, alerter sur son insuffisance et la nécessité d’agir sans attendre son entrée en vigueur en 2020. S’il y a bien un objectif chiffré pour l’augmentation de la température globale, en revanche, rien n’est dit sur des objectifs de réduction impératifs de gaz à effet de serre. Le texte mentionne seulement un pic d’émissions à atteindre « le plus tôt possible ». Par ailleurs, l’accord est moralement contraignant, mais il ne l’est pas juridiquement. Il ne propose en particulier aucun mécanisme de sanction si les États ne respectaient pas leurs engagements volontaires de réduction d’émissions (connus dans le jargon onusien sous l’acronyme d’INDC).

Autre problème et non des moindres : ceux-ci ne nous conduisent pas sur la trajectoire de 2 °C d’augmentation de température, mais bien plutôt au-delà de 3 °C. Il faudra donc déjà que ces engagements soient respectés et revus à la hausse. L’accord prévoit d’ailleurs qu’ils soient ainsi révisés tous les cinq ans à partir de 2025. Les INDC des pays en développement sont cependant conditionnés, pour partie ou complètement, comme pour les Philippines, à des aides. Certes, les pays développés se sont bien engagés à mobiliser des financements pour que les pays en développement puissent réduire leurs émissions et s’adapter, mais aucun chiffre n’est indiqué : les 100 milliards de dollars annuels, annoncés pourtant déjà à Copenhague, ont disparu du texte. L’aviation et le transport maritime, qui représentent près de 10 % des émissions mondiales, n’apparaissent finalement pas non plus dans l’accord. Ils sont exemptés de tout effort. A été retirée également du texte la mention du respect des droits de l’homme et des droits des peuples indigènes, pourtant particulièrement affectés dans leur mode de vie et dans leur culture par les effets du changement climatique. Enfin, si les pays les plus pauvres ont gagné la bataille concernant l’indication des 1,5 °C dans le texte, ils l’ont payée assez cher en renonçant à des dispositions fortes concernant les pertes et dommages. Le texte renvoie pour l’essentiel, sur ce sujet, aux mécanismes négociés à la COP19 de Varsovie en 2013 qui restent assez flous et faibles. La justice climatique y a beaucoup perdu.

© Encore Heureux
© Encore Heureux

Projet de pavillon en bois composé de matériaux récupérés pour le site de la COP21 au Bourget
par Encore Heureux.

L’accord de la COP21 ne remet pas en cause fondamentalement notre mode de développement. Et il n’engage pas la planète dans le grand virage écologique indispensable. Mais il eut été naïf d’en espérer davantage quand il s’agit de chercher un consensus à 195 pays. Le temps presse cependant et la transition économique et finalement civilisationnelle indispensable, qui permettra de changer notre rapport au monde, de passer à une économie bas carbone et ainsi d’éviter la catastrophe climatique, est un défi majeur. Un premier pas est franchi, l’accord donne une architecture et une dynamique, mais le chemin est encore très long et nous avons en réalité au plus vingt ans devant nous pour faire les réformes indispensables, nous disent les chercheurs. Si nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire, il sera alors impossible d’espérer limiter le réchauffement à 2 °C. Croire en cette possibilité n’est cependant pas un choix. C’est une obligation morale pour nos enfants. Un grand chantier s’ouvre ainsi pour la COP22 au Maroc fin novembre.

 


Pierre Lefèvre

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