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Confiné.e.s

Confiné.e.s : mvt/architectes

Face au confinement imposé à tous pour contrer la propagation du virus Covid-19, nombre d’architectes ont dû adapter leur pratique et leur méthode de travail à ce nouveau rythme de vie. La série « Confiné.e.s » leur donne la parole, en interrogeant leur vision de la situation — mais aussi leurs recommandations culturelles.

Aujourd’hui, les réponses de Benjamin Vial, Gavin Taylor, Viorel Ionita, Alden Miranda et Pierre-Olivier François, les associés de l’agence suisse mvt/architectes, fondée en 1986.

 

mvt/architectes
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L’Architecture d’Aujourd’hui : Où êtes-vous confinés et comment vous êtes-vous organisés pour poursuivre votre activité ?
mvt/architectes : À Genève, tout le bureau est en télétravail sauf des associés qui assurent une permanence. Nous avons heureusement pu nous mettre très rapidement à l’abri car nous pratiquions en partie le télétravail avant la pandémie. Ce n’était donc une nouveauté que pour un petit nombre de collaborateurs.
Le bureau fonctionne presque normalement à l’exception du suivi et de la gestion des chantiers qui sont à l’arrêt et pour lesquels nous recevons des ordres contradictoires de l’État quant à l’obligation de travailler en période de crise. La prospection est aussi évidemment touchée mais à ce jour, nous arrivons à faire face.

Confinement et architecture sont-ils antinomiques ?
Au contraire, c’est une confrontation forcée entre la qualité de l’habitat et les habitants par un usage intensif actuel qui questionne notre mode de « faire » du logement. Va-t-on repenser les dimensions des logements, les besoins d’intimité, le commun et l’individuel dans un espace clos ? Que doit-on privilégier dans le processus de projet si le logement devient un épicentre plus large de vie où l’on travaille, dort, se divertit, fait du sport ? Après la crise, d’autres façons d’habiter, de travailler auront été testées à grande échelle ; sauront-elles modifier les politiques des pouvoirs publics, des planificateurs, des promoteurs, des usagers ? Dans un avenir proche (deux ans ?), des habitants feront-ils le choix de logements plus grands ou mieux agencés ?

Quelles leçons pensez-vous tirer de l’impact écologique de cette crise ?
Que la démonstration sera faite de la possibilité de réduire drastiquement nos émissions polluantes et de faire autrement. C’est un signal très fort qui mérite une réelle prise de conscience.
Vit-on moins bien sans un week-end au Maroc ou dans une capitale européenne en low-cost chaque mois? On pense particulièrement aux « Verts » qui ont, ces temps-ci, déjà une oreille attentive pour transformer l’essai. Le dictat économique est un leurre qu’il faut pouvoir affronter pour changer de paradigme et de modèle social. Les modèles collaboratifs, plus résilients, seront à coup sûr à l’honneur.

Un film à voir, un livre à lire pendant le confinement ?
« L’éloge de l’ombre » de Tanizaki . Comment l’architecture est intimement liée à nos émotions, une texture, un reflet, une odeur. C’est une fulgurance de l’intime. L’écriture est remarquable et la description de l’habitat traditionnel une merveille. Le tout dans un Japon du début du XXe siècle dont la culture du bâti se dilue dans la modernité occidentale. Cela fait curieusement penser aux transitions actuelles en cours.
« Le jardin d’Epicure » de Yalom. En ces périodes de confrontation avec la mort annoncée au quotidien dans les journaux, ce livre permet de remettre une juste distance avec ce qui fait la condition humaine et la fin de chacun. Un livre pour dépasser ses angoisses et se tourner vers l’avenir.

Un compte à suivre sur les réseaux sociaux ?
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Qu’espérez-vous de cette expérience ?
Une prise de conscience de la fragilité de nos structures, un renforcement de la coopération au détriment d’une compétition à laquelle notre société a du mal à résister. Gagner en lenteur et faire les choses plus posément. Toutes des choses que l’on sait mais que l’on a du mal à vivre dans un quotidien sous le dictat de la course au temps, à la nouveauté et à la distraction.

Quel impact a ce confinement sur la perception de votre espace de travail et, inversement, de votre espace domestique ?
Tous les usages sont modifiés mais l’espace s’adapte. Il est avant tout l’écrin de nos vies, et beaucoup plus flexible qu’on ne l’imagine. C’est un vieux rêve de l’architecte que d’avoir un espace flexible qui saurait s’adapter. Aujourd’hui, nous avons la démonstration qu’il existe de fait. Est-il tenable à long terme sans adaptation, probablement pas. Mais chacun aura découvert dans l’expérience du confinement qu’on peut modifier son quotidien plus qu’on ne le pense. Cela donnera, nous l’espérons, des envies futures de vivre et d’habiter différemment.

Le site de mvt/architectes.

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