Frank Lloyd Wright, Park System in Spring Green, 1947 © Kyle Dockery
Frank Lloyd Wright, Park System in Spring Green, 1947 © Kyle Dockery

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Le parc, outil du design civique 1—4

Après un premier volet consacré à l’architecte bangladais Kashef Chowdhury, à retrouver sur ce lien, dans le cadre d’une exposition monographique organisée à l’automne 2019 à l’EPFL, AA et Archizoom, la galerie de l’EPFL, sont heureuses de présenter la deuxième édition d’Archizoom Papers, revue en ligne itinérante.

Pour cette nouvelle collaboration, place au travail de l’architecte, urbaniste et chercheur Matthew Skjonsberg autour du civic design, le contrepoint écologique et communautaire de l’aménagement urbain axé sur l’industrie et la technologie. En juin 2019, le chercheur avait dirigé à l’EPFL une exposition intitulée The Living City, Park Systems from Lausanne to Los Angeles, qui présentait un panorama chronologique de la discipline du civic design concrétisée dans sa forme la plus emblématique : la création de parcs régionaux. En guise d’introduction à un dossier présentant des projets exemplaires, de Weimar à Londres, en passant par Los Angeles, retour sur la question du park system et ses enjeux écologiques et sociaux.

Christophe Catsaros

Park systems : du « jardin paysager » au « parc du peuple »

Les parcs urbains ont souvent été pensés, dans leur émergence et leur évolution historique, comme des remèdes à la violence environnementale de l’urbanisme industriel. Dans cette approche partagée, les parcs ne sont que des parenthèses « anesthésiques » d’une organisation de la ville qui a souvent traité l’humain comme un élément parmi d’autres dans un processus de production. L’hygiénisme n’a jamais caché sa raison d’être : si l’ouvrier meurt trop tôt, si ses enfants ne survivent pas à l’environnement pollué dans lequel ils sont appelés à grandir, il cessera de faire tourner la machine.

Le panorama des typologies de parcs du XVIIIe au XXe siècle qu’a pu dresser l’architecte Matthew Skjonsberg, à l’occasion notamment de l’exposition The Living City, Park Systems from Lausanne to Los Angeles à Lausanne en juin 2019 tente une nouvelle lecture des raisons qui accompagnent leur mise en œuvre. Il essaye de penser les parcs non plus comme un rouage de l’urbanisme industriel, mais de manière plus intégrale, comme une solution globale qui aurait pu constituer une autre voie. Un modèle alternatif qui, quoique minoritaire, aurait tout aussi bien pu servir de structure conceptuelle aux développements des villes.

Très tôt, certains parcs sont pris dans des réseaux d’espaces verts à l’échelle d’une ville. Cela permet de les penser non plus comme les exceptions anesthésiques dans des métropoles infernales, mais comme des contre-modèles olistiques, qui évoluent parallèlement, et qu’il serait peut-être temps de sortir des tiroirs.
Ces parcs faisant système, ces « villes vertes » partiellement réalisées, seraient une orientation avortée de l’urbanisme fordiste. Elles pourraient s’avérer d’une grande utilité au point ou nous sommes arrivés en matière d’environnement. Qu’est ce qui distingue ce modèle alternatif de l’urbanisme du chacun pour soi ? Précisément ce qui fait défaut aux métropoles : une disposition à constituer des environnements sociaux et écologiques durables et englobants. L’autre urbanisme, celui qui se dessine dans cette recherche, serait celui où la ville se pense d’abord comme milieu continu et comme communauté cohérente.

Les villes dont il sera question dans les prochains chapitres (Weimar, Londres, Liverpool, mais aussi Genève et Los Angeles) comprennent en elles des réalisations qui constituent les éléments d’une généalogie du tournant écologique urbain. Souvent impensé, celui-ci se dessine timidement dans les politiques publiques, mais surtout dans les nombreuses initiatives sociales et culturelles qui cherchent à refonder l’appartenance à la cité, sur des rapports autres que ceux basés sur l’exploitation des ressources matérielles, environnementales ou humaines.
En cela, le travail de Matthew Skjonsberg éclaire une position vertueuse (celle de l’activisme civique et écologique) qui paraît souvent infondée, gesticulatoire quand elle n’est pas récupérée par des campagnes de greenwashing. Cette autre ville, à laquelle aspirent de plus en plus les habitants des métropoles globalisées, est possible pour la simple raison qu’elle a existé, tant sur le plan utopique du projet, que sur celui concret de certains plans d’urbanisme partiellement réalisés. Ces études tentent donc de constituer un socle historique, à partir duquel un nouvel élan serait possible.


Retrouvez le premier chapitre du dossier : « Aux origines du design civique ».

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