© André Rennuit
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André Rennuit : « La peinture est un jeu permanent du regard »

© André Rennuit
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Du 15 au 20 octobre, l’Espace Cinko (75002) accueille la nouvelle exposition du peintre André Rennuit. Par son volume, par la mobilisation et l’énergie dépensée, par le temps consacré, cette exposition marque un moment particulier dans l’itinéraire du peintre.

Pour AA, André Rennuit revient sur ses inspirations, sur « l’acte de peindre » et les différents thèmes de l’exposition qui s’ouvre la semaine prochaine. Rencontre. 

L’Architecture d’Aujourd’hui : Vous présentez cette nouvelle exposition comme « le témoignage d’un travail très solitaire, dans un milieu isolé, presque hostile ». Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cet environnement qui semble propice à la création ? La nature et le paysage en général sont-ils des sources d’inspiration pour vous ?

André Rennuit : Vivre au milieu des bois, dans une clairière, est un bonheur exigeant. Il faut se laisser aller, recevoir la force des arbres, du vent, des orages violents, accepter les nuits magnifiques, sombres et muettes. Il faut aussi résister parfois aux tentations de fuir. La solitude s’apprivoise. Il est difficile de se mentir. Vous êtes dans un spectacle permanent. Par exemple, en hiver, les rameaux et branchages forment des compositions aussi délicates et précises que les plus beaux dessins d’Ingres. Les peintures sombres et rugueuses de Soulages sont des troncs bruns et humides. C’est un bain d’images fortes qui arrivent doucement ou explosent sur la toile et le papier.

© André Rennuit
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AA : À propos de l’acte de peindre, vous mentionnez une forme de « résistance ». La peinture est-elle pour vous un acte militant ?

AR : L’acte de peindre a un caractère désuet, en regard des moyens d’expression portés par la puissance du numérique et des médias. Cela témoigne. C’est une affirmation. Une trace individuelle qui sort de la turbulence et de l’immédiateté. Il y a dans cette expression solitaire, un choix, une façon de vivre non soumise aux urgences d’un quotidien subi.

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AA : Pourriez-vous nous en dire plus sur les trois thèmes abordés dans cette nouvelle exposition : le cycle du gris, les fenêtres et les regards changeants, les éphémérides ? Comment les reliez-vous à votre thème permanent : l’euphorie et le plaisir de la couleur ?

AR : Il y a en effet trois thèmes dans cette exposition.

Le premier est « le cycle du gris ». Le gris est venu par surprise, par effraction. Après plusieurs années et plusieurs hivers, après de longs mois froids et brumeux, le gris s’est imposé. Cela commence sans doute avec les fûts des arbres, qui, si sombres qu’ils soient, ne sont jamais noirs. Cela vient aussi des ombres et des transparences qui ne sont pas encore du gris. Cela vient des branchages qui tissent des trames et des contrastes sans cesse renouvelés. En hiver, lorsqu’il fait trop froid, trop sombre, trop longtemps, la tentation de fuir est grande. Mais l’on peut choisir de rester et de persévérer dans l’appréhension de ces ombres cotonneuses, dans le silence d’une opacité glacée.

Puis viennent « les fenêtres et les regards changeants ». De nombreux paysages se regardent au travers de cadres construits. Une fenêtre, d’une maison sombre, devient le tableau lumineux et changeant de la vie extérieure. L’objectif d’un appareil photo, resserre ou éloigne à l’envie un spectacle figé. L’œil, choisit de se porter sur le détail ou l’ensemble, la proximité ou le lointain. Regardez un sol couvert de feuilles et d’herbes libres, vous avez un tableau abstrait, comme est abstraite l’image des compositions cellulaires fixées dans la lunette d’un microscope. L’abstrait est dans chaque regard. Les pâtes de Turner, les amalgames de Monet sont des abstractions dès que vous vous approchez du tableau. Arrêtez-vous sur un chemin, distinguez les graviers sur le sol, vous regardez un tableau de Dubuffet. La peinture est ce jeu permanent du regard. C’est un plaisir inépuisable. Peindre, c’est jouer de ce regard, c’est s’arrêter et provoquer de nouvelles images. C’est donner envie de ces regards changeants.

Le troisième thème est « les éphémérides ». Ce thème vient d’un premier tableau, une succession de tâches et de couleurs disposées de façon aléatoire. Cela a pris forme, comme une grande page. C’est devenu une sorte d’exercice, une psalmodie répétée, sans retenue, une forme de méditation sur le temps qui passe et sur notre impuissance à contrarier son écoulement. C’est, comme au XVI° siècle, un tableau, une vanité qui nous rappelle cela.

Mes thèmes permanents sont l’euphorie et le plaisir de la couleur. La couleur, les couleurs, sont une surprise permanente. De temps en temps, il faut sortir ce trop plein de goûts et de plaisirs. L’embêtant, c’est que l’on ne peut être satisfait et qu’il faut recommencer. C’est peut être à cela que sert la peinture. Rendre humble celui qui s’y consacre. Essayer c’est recommencer. Proposer une exposition, c’est faire ce récit, raconter l’histoire d’une expérience et inviter ceux qui la regardent à la partager.

André Rennuit – « Préparer les vingt ans qui viennent »
Une exposition présentée à l’Espace Cinko – 18 / 20 passage Choiseul – 75002 Paris
Du 15 au 20 octobre 2018, de 10h à 20h
Vernissage le 16 octobre à partir de 17h

Pour en savoir plus sur le travail d’André Rennuit : www.andrerennuit.com

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