Charles-Henri Tachon, Caserne de Reuilly Lot B1, Paris XIIe, 2019 © GillesBretin
Charles-Henri Tachon, Caserne de Reuilly Lot B1, Paris XIIe, 2019 © Gilles Bretin

Actualités

Caserne de Reuilly lot B1, par Charles-Henri Tachon

Depuis la rentrée 2019, l’ancien site historique de la Caserne de Reuilly, dans le XIIe arrondissement de Paris, accueille une résidence universitaire, une crèche, un jardin, des commerces et des logements. Sous la férule du bailleur social Paris Habitat, l’architecte Charles‑Henri Tachon a livré le lot B1 de l’opération, composé de 22 logements. Il évoque ici les enjeux du projet.

Un article de Charles-Henri Tachon.

Non loin, en face, sur un mur : « Je suis désespéré, car je suis invisible. » Écrit à la craie sur le mur de l’université Pierre‑et-Marie-Curie de l’hôpital Saint-Antoine, cet aphorisme, ou cri d’une âme perdue, n’est pas sans résonance avec le caractère du bâtiment à construire pour le lot B1 de la caserne de Reuilly.

Visibilité ou lisibilité ? La nuance sémantique a son importance. Diderot n’étant pas loin, il convient d’utiliser les bons mots pour comprendre l’un des enjeux du projet.

Ce petit bâtiment, associé à la future extension du lot C, va participer à constituer l’entrée dans un nouvel espace urbain, celui de la Caserne de Reuilly, redonnée à la ville. Cette entrée prend la forme d’une placette qui s’ouvre sur la rue de Chaligny pour mener sur la place d’armes de la caserne. La lisibilité de la place sur la rue de Chaligny sera donc inévitablement liée au dessin des bâtiments de logements du lot B1 et du lot C.

La ville est ainsi composée d’un substrat de logements et d’activités qui constitue son corps ordinaire, auquel s’ajoutent des événements que sont les équipements publics. Ces derniers prennent une importance particulière parce qu’ils s’adressent à tous et qu’ils représentent l’intérêt commun. Ils orientent, servent, et à ce titre, on leur reconnaît une certaine présence qui les distingue des autres bâtiments. Un bâtiment de logement, en revanche, n’a pas pour vocation de se démarquer du corps ordinaire de la ville. Cependant, en certains lieux, on peut attendre un traitement qui témoigne d’une situation urbaine spécifique. C’est, nous semble‑t‑il, le cas du lot B1 pour les raisons suivantes :

– le bâtiment est un des éléments qui composent la place d’entrée sur la rue de Chaligny ;
– c’est un bâtiment qui négocie la transition entre une rue au tissu architectural éclectique et la sobriété et la puissance des bâtiments de la caserne ;
– c’est un bâtiment dont la géométrie attendue avec quatre façades n’est pas habituelle dans le tissu parisien traditionnel.

Programme

Le sujet du logement touche notre existence dans son quotidien. Si, dans certaines conditions, on peut se contenter de l’entre-soi d’un appartement feutré avec parquet, moulures, cheminée et porte blindée, on peut attendre de logements sociaux dans un nouveau quartier qu’ils participent à la création du lien social. De l’échange.

Cela passe, croyons-nous, par l’idée de reconnaissance. D’abord la reconnaissance topographique, c’est-à-dire la découverte de son quartier par la perception qu’on en a depuis son logement. À l’image du travail que nous avons réalisé rue du Nord, à Paris [8 logements et 4 ateliers d’artistes livrés en 2010 pour la Siemp. NDLR], nous sommes attachés au principe de créer des vues multiples (dans tous les appartements, même les plus petits) qui permettent, par leur diversité, de mieux appréhender et comprendre le territoire dans lequel on vit.

La reconnaissance, c’est aussi l’existence dans la ville. Chaque logement a son identité et est repérable depuis la rue. C’est donc une forme de reconnaissance sociale urbaine.

La configuration du lot avec un bâtiment à quatre façades permet cette recherche sur la double reconnaissance du territoire et de l’habitant.

La deuxième notion à laquelle nous sommes attachés, et qui constitue un travail récurrent de l’agence, est le plan. À ce sujet, il ne peut y avoir de compromis. Un bon logement n’est pas seulement un grand logement, c’est un logement qui offre plus. Plus d’espace que de surface, plus d’usage et d’habitabilité. Pour dilater l’espace, il est possible de jouer sur des dispositifs d’enchaînement des pièces afin de créer des perspectives intérieures, de travailler les vues diagonales, les successions de plans, les effets de transparence et de profondeur qui offrent de la richesse aux volumes pratiqués. Ces dispositifs permettent aussi de multiplier les parcours. D’une pièce à une autre, il existe plusieurs chemins.

Dans notre travail sur le logement, nous cherchons systématiquement à donner des prolongements directs sur les balcons ou les terrasses qui sont suffisamment spacieux pour devenir de véritables pièces extérieures. Habiter aussi à l’extérieur est certainement l’une des attentes à laquelle les bâtiments contemporains peuvent répondre.

Un bon logement est aussi, tout simplement, un logement doté de lumière naturelle dans toutes les pièces, y compris les cuisines et les salles de bains. Cela n’est-il pas une évidence ?

Lorsque nous ne parvenons pas à disposer les salles de bains en façade, nous utilisons des impostes vitrées qui offrent un éclairage en second jour.

Architecture

L’acte d’architecture est un acte éminemment plastique. Le travail que nous réalisons à l’atelier se concentre sur la relation entre un espace et la construction de cet espace. Les modes constructifs, la matière, les forces, tout cela constitue l’acte d’architecture. Le dessin réagit à une situation donnée et témoigne de cette situation.
Le lot B1 doit établir la transition depuis la rue de Chaligny vers la place d’armes. Le bâtiment doit être suffisamment fort pour accompagner l’architecture massive des bâtiments de la caserne, il doit participer à l’ouverture vers le cœur de l’îlot renouvelé et pourtant assumer sa simple place de bâtiment de logement. Il doit trouver la position juste. La réflexion sur la matière, notamment la minéralité des bâtiments de la caserne, est une piste évidente. L’attention à la construction comme élément de conception est au cœur de notre démarche de projet.

Rendre lisible une situation urbaine, rendre visible la vie d’un nouvel îlot, reconnaître un environnement et inscrire un nouvel édifice dans un dispositif historique et architectural fort, visiblement, il y a ici de quoi espérer !

***

Telle était la note d’intention que nous avions remise lors de la consultation lancée par Paris Habitat au printemps 2014. Aujourd’hui, le bâtiment est livré. Si l’édifice se distingue au premier abord par sa couleur, il s’inscrit dans l’éclectisme des constructions de la rue où l’on peut cependant remarquer une expression marquée des éléments de structure sur les façades. Sa couleur, a priori peu parisienne, répond à plusieurs bâtiments de la rue construits en brique rouge. Par cet effet d’écho, il prend place dans son environnement en jouant d’un équilibre fragile entre signal et continuité urbaine.

À l’intérieur, les 22 logements ont été conçus sur la base d’un plan en croix proposant à leurs habitants un dispositif de double circulation qui rappelle certains dispositifs des appartements haussmanniens. Ce principe de plan permet également de tirer parti du gabarit du bâtiment au plan carré, en offrant des orientations multiples à la fois sur la rue et sur la caserne. À l’ouest, sur la rue de Chaligny, de vastes loggias prolongent l’espace intérieur des logements comme des salons d’été où il fait bon admirer le soleil couchant sur les horizons parisiens.

Nous laissons à chacun le soin d’aller vérifier si les intentions que nous avions portées se retrouvent dans ce petit bâtiment tout de rouge bâti.

Ce texte est extrait du n°433 – Logement social, une exception française ? – disponible en librairies et sur notre boutique en ligne.

Charles-Henri Tachon a fait le choix d’un béton autoplaçant teinté dans la masse, dont la grande quantité de pigments assure la pérénité de la teinte rouge. © Gilles Bretin
Charles-Henri Tachon a fait le choix d’un béton autoplaçant teinté dans la masse, dont la grande quantité de pigments assure la pérénité de la teinte rouge. © Gilles Bretin

 

L’opération comprend la transformation des bâtiments historiques et la construction de 582 logements, dont 50% sociaux, confiés à six équipes d’architectes, sous l’égide de l’agence h2o, en charge de la maîtrise d’œuvre urbaine. © Julien Colom
L’opération comprend la transformation des bâtiments historiques et la construction de 582 logements, dont 50% sociaux, confiés à six équipes d’architectes, sous l’égide de l’agence h2o, en charge de la maîtrise d’œuvre urbaine. © Julien Colom

 

© Gilles Bretin
© Gilles Bretin

 

Les logements en simplex vont du T2 de 41 m2 au T4 de 83 m2. D’une surface de 95 m2 chacun, les deux appartements en duplex sont situés aux derniers étages. Chaque logement possède un espace extérieur allant de 7 à 33 m2. © L'Architecture d'Aujourd'hui
Les logements en simplex vont du T2 de 41 m2 au T4 de 83 m2. D’une surface de 95 m2 chacun, les deux appartements en duplex sont situés aux derniers étages. Chaque logement possède un espace extérieur allant de 7 à 33 m2. © L’Architecture d’Aujourd’hui

 

Les 22 logements sont répartis sur 8 étages tandis que le rez-de-chaussée accueille un local d’activités de 130 m2. © Charles-Henri Tachon
Les 22 logements sont répartis sur 8 étages tandis que le rez-de-chaussée accueille un local d’activités de 130 m2. © Charles-Henri Tachon

Fiche technique

Caserne de Reuilly, lot B1
Paris XIIe, France
Maîtrise d’ouvrage
Paris Habitat OPH
Architectes
Charles-Henri Tachon architecture & paysage
Julien Colom, chef de projet
Cotraitants et BET
ALTO (fluides)
EVP (structure)
VPEAS (économiste)
RISK Contrôle (contrôle)
Programme
22 logements sociaux, un local d’activités
Surface
1 640 m2 SDP
Coût
3,1 millions d’euros HT
Livraison
Septembre 2019

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