© Frédéric Druot, Lacaton et Vassal
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Inclassable

Rencontre avec Frédéric Druot

© Frédéric-Druot
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À l’heure de « Paris en Grand », son engagement est plus que jamais d’actualité. Depuis 2008, Frédéric Druot mène, avec Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, et en dehors de tout cadre institutionnel, l’étude « Plus Paris ». Une recherche colossale en faveur de la transformation du parc de logements existant sur l’ensemble du territoire francilien. Rencontre.

 

 

 

Quel a été le point de départ de cette étude « Plus Paris » ?
En 2008, le Grand Paris est lancé : la question du logement est complètement oubliée et peu de choses sont envisagées concernant l’existant. Or en prenant comme modèle l’expérience de Bois-le- Prêtre [la transformation d’une tour de 96 logements en site occupé, Paris 17e, 2011, ndlr], conçue avec Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, on s’est aperçu qu’il était possible d’augmenter de 20% la surface existante et de créer 30 à 40 logements supplémentaires, de qualité, et ce sans démolition. Peu d’architectes se passent de la démolition : ils construisent souvent sur des cadavres. Ceci a été le point de départ de cette étude sur Paris et ses proches banlieues.

En quoi consiste ce travail ?
Au total, nous avons analysé l’ensemble de Paris et ses 22 communes limitrophes, dans lesquelles nous avons relevé 1 648 situations qu’il était possible de « réactualiser », évitant ainsi la démolition. Ces « situations » sont des parcelles sur lesquelles l’intervention architecturale ne nécessite pas celle d’un urbaniste : c’est en lien avec ce que j’appelle « l’archibanisme » ou l’« urbatecture », c’est-à-dire une façon de remettre en question les modes de construction. Ne pas distinguer les deux disciplines permet de travailler au cas par cas. En adaptant la méthode utilisée pour Bois-le-Prêtre, nous avons conclu qu’il était possible de réhabiliter et transformer 450 000 logements existants et de créer 135 000 logements neufs supplémentaires.

Quel bilan tirer de cette étude ?
Cet inventaire a duré six ans, à ma charge – c’est un engagement total. Seulement, si notre démarche a été lauréate de Faire Paris en 2017, rien de concret n’en est sorti. Il manque une envie politique sur les problématiques du logement et du patrimoine. Nous avons pourtant eu des échanges avec l’APUR, avec le cabinet de Jean-Louis Missika [adjoint à la mairie de Paris, chargé de l’urbanisme, de l’architecture, du projet du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité, ndlr], mais rien ne s’enclenche. La politique de déconstruction encouragée par l’ANRU est inefficace, mais puissante. Je suis conscient de m’être engagé dans quelque chose de stratégiquement naïf, mais comment construire un point de vue sur la question du logement, la question de la ville, si l’on ne plonge pas dans l’immensité de la matière existante ?

Cette recherche a-t-elle eu un impact à l’échelle internationale ?
La Ville de Londres a pris contact avec nous pour voir si ce modèle d’études peut être appliqué à son tissu urbain. Ils sont actuellement en train de chercher des territoires, mais il faut garder à l’esprit que la politique de logements est très différente entre le Royaume-Uni et la France. En Amérique du Sud, nous avons monté deux plateformes de recherches, en collaboration avec des écoles d’architecture locales. À São Paulo, nous avons travaillé sur la façon dont un quartier pouvait « s’auto-actualiser », par rapport au nombre important de propriétaires. Nous avons dressé un inventaire de la situation, et défini comment chacun d’eux pouvait devenir « auto-promoteur » de la ville. Au Chili, nous avons pu mettre en place « Plus Chili », sur le modèle de « Plus Paris », en mettant à jour une certaine typologie de construction — des initiatives publiques, devenues privées — des « blocks » désuets, peu performants, étroits et écartés des centres.

Quel bilan pouvez-vous tirer de cette étude ?
Notre démarche a été lauréate de « Faire Paris » en 2017. Parmi les bailleurs, seul I3F a réagi, mais il est difficile d’en tirer quelque chose de concret. Il manque une réunion, avec les acteurs publics et privés, en partant de cette étude et en axant le discours sur des problématiques des logements et du patrimoine. Il n’y a malheureusement pas de politique de logements à une échelle satisfaisante.

Cet entretien est à retrouver dans le numéro 427 d’AA, disponible sur notre boutique en ligne.

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