• Agence Engasser + Associés, Paris, 2015. © Mathieu Ducros / O'Pictures

  • Bois translucide, Woodoo, Timothée Boitouzet. © Woodoo

  • Modulor, film de Freaks & Patox, 2015. © Freaks / Patox

  • Centre International des sciences, studio Milou, Vietnam, 2013. © Fernando Javier Urquijo

  • Communauté de la Lanterne, Tyin, Bangkok, Thaïlande, 2011. © Tyin Tegnestue

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Article projets AA414

« La commande publique n’existe presque plus, la commande architecturale s’est libéralisée et ce sont désormais les promoteurs qui forment nos principaux clients. » Louis Paillard, fondateur de l’agence éponyme en 2003, est catégorique. Pour lui, la commande architecturale française est en voie d’« ubérisation », à l’image de l’irruption, début 2015, de la start-up californienne Uber sur le marché du VTC. Transposé à d’autres marchés, le concept d’ubérisation ne désigne pas seulement le phénomène par lequel une start-up liée à l’économie digitale rebat le jeu d’acteurs classique, mais aussi, plus simplement, l’émergence d’un nouveau modèle économique qui éclipse progressivement le modèle traditionnel. 

En France, le métier d’architecte s’appuie traditionnellement sur la commande publique, en vertu de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique de 1985, dite loi MOP. Or, la commande privée a pris le pas sur la commande publique dans l’activité des architectes : en 2013, elle couvrait 65,2 % des montants de travaux déclarés par les architectes, contre 34,8 % pour le secteur public*. « Enfant de la commande publique », comme il se décrit lui-même, Louis Paillard estime que « ceux qui n’ont pas pris le virage de la commande privée vont mettre la clé sous la porte tôt ou tard ». L’architecte a lui-même cédé aux sirènes de la promotion privée en 2006, en participant à la réalisation de 119 logements à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour Nexity. L’entente est bonne, le succès immédiat. Le bâtiment est nommé à l’Équerre d’Argent 2010 et les commandes affluent depuis. Aujourd’hui, l’activité de l’agence Louis Paillard se concentre à 90 % sur la conception de logements collectifs pour des clients privés. Outre-Manche, le phénomène est amplifié**. L’architecte Sam Jacob, associé de l’agence britannique FAT avant de créer Sam Jacob Studio en 2014, souligne que « la pratique du métier a changé depuis la politique de dérégulation de Thatcher des années 1980, et cela va en s’accélérant ; le temps de l’architecte fonctionnaire est révolu : il est un entrepreneur en compétition constante ». Un entrepreneur en concurrence… avec bien plus gros que lui. Si l’ubérisation présuppose l’essor de « petits » acteurs en contact direct avec le client, elle peut aussi s’opérer en faveur de conglomérats. Oliver Wainwright, critique d’architecture du quotidien britannique The Guardian, observe que la dernière décennie est marquée par la montée en puissance de groupes « d’architecture et design » tels le britannique Aedas (1.400 employés) ou encore le japonais Nikken Sekkei (2.400 employés), dont la force de frappe est comparable à celle du secteur public sous l’ère Thatcher avec ses ingénieurs, bureaux d’études et entreprises intégrées. « Ils peuvent faire du Koolhaas ou du Hadid sur commande, testent leurs recettes en Chine et les développent à Londres plus vite et moins cher que n’importe quelle agence de taille moyenne, au détriment de la qualité », souligne le journaliste.

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